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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

imitation du processus cosmique, moins encore de notre détachement par<br />

rapport à lui, mais du combat que nous mènerons contre lui. 16 »<br />

En effet, à maintes reprises, Darwin n’a cessé de souligner le fait que l’observation<br />

de la nature ne permettait aucunement de déceler un ordre moral, une<br />

volonté sage s’exprimant dans le monde. C’est même plutôt l’idée contraire<br />

qui semble dominer : le spectacle de la nature, pour qui l’observe, reflète le<br />

triomphe de la cruauté, de la souffrance, de ce qui d’un point de vue moral<br />

n’est guère défendable. Et c’est précisément l’observation de la nature, au<br />

demeurant, qui fait douter Darwin de l’existence d’une Providence divine à<br />

l’œuvre dans le monde. L’absence de dessein dans l’évolution a une conséquence<br />

fondamentale en ce qui concerne la valeur des systèmes moraux : ces<br />

derniers ne sont pas parfaits, loin s’en faut. La morale humaine est le résultat<br />

d’un processus contingent, qui aurait pu être tout autre. Cette idée (au cœur<br />

de la biologie évolutionniste contemporaine) indique bien que Darwin ne cherchait<br />

aucunement à sacraliser un quelconque « ordre naturel » 17 .<br />

Si le spectacle de la nature ne permet pas de fournir des repères moraux<br />

intangibles, si l’évolution se espèces ne saurait être érigée en guide moral,<br />

alors comment fonder la morale ? Selon Darwin, une doctrine morale particulière<br />

doit être suivie : l’utilitarisme. Dans un monde déserté par la Providence<br />

divine, seul l’utilitarisme peut faire office de guide moral. Le principe ultime<br />

de l’utilitarisme est simple (simpliste, diraient ses détracteurs) : on peut dire<br />

d’une action qu’elle est bonne dès lors qu’elle tend à accroître la quantité de<br />

bonheur dans le monde, et mauvaise dès lors qu’elle accroît la quantité de<br />

souffrance. <strong>Les</strong> instincts sociaux constituent ici la clé de cette adhésion de<br />

Darwin (par ailleurs grand lecteur de J.S. Mill) à l’utilitarisme : en effet, affirme-t-il,<br />

c’est grâce à l’instinct social, par exemple, qu’un homme peut tenter<br />

de sauver la vie d’un de ses semblables au cours d’un incendie, au prix d’un<br />

péril extrême. Ce faisant, en agissant de la sorte, cet individu n’est aucunement<br />

mû par le plaisir et l’intérêt personnel. Il est au contraire motivé par des<br />

impulsions l’incitant à agir en vertu d’un tout autre but : l’utilité collective. Le<br />

16. Ibid., p. 83.<br />

17. <strong>Les</strong> débats au sujet de la contingence de l’évolution mettent en opposition différentes<br />

positions dans le champ de la philosophie de la biologie. Pour un résumé<br />

de ces débats, cf. par exemple David & Samadi (2000), La Théorie de l’évolution :<br />

une logique pour la biologie, Flammarion. Sur la place qu’occupe la question de<br />

la contingence au sein de la psychologie évolutionniste, cf. également Huneman,<br />

ce volume.

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