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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

en pratique, interpréter les innombrables corrélations structuro-fonctionnelles,<br />

si manifestes dans tout le monde vivant. Avec l’omniprésence des adaptations<br />

dans la nature vivante, il semble donc qu’un fonctionnalisme de constat 7 puisse<br />

être pensé et admis dans la science biologique, sans référence nécessaire à un<br />

finalisme transcendant, celui-ci pouvant être entièrement éludé, au mois en<br />

apparence, en particulier dans le cadre du darwinisme. Désormais, en effet, la<br />

finalité organique n’a plus besoin d’être expliquée par la Providence mais par<br />

des processus naturels : le hasard des mutations et recombinaisons trié par la<br />

nécessité de la sélection. Ce point de vue est sans doute celui implicitement<br />

adopté par une large majorité de biologistes praticiens, spécialement parmi<br />

les évolutionnistes mais, même à passer le problème philosophique général du<br />

finalisme et des causes finales par profits et pertes, cette attitude intellectuelle<br />

n’élimine pas une difficulté de taille, qui se manifeste sans cesse au niveau du<br />

vocabulaire et de la communication. En effet, le langage fonctionnaliste, voire<br />

adaptationniste, n’est en pratique bien souvent pas facilement discernable<br />

du langage finaliste. <strong>Les</strong> sciences fonctionnelles, de la biochimie à la physiologie,<br />

en fournissent de multiples exemples, et d’abord dans l’enseignement.<br />

D’où la persistance d’ambiguïtés considérables, non seulement en direction<br />

du grand public, mais sans doute d’abord et surtout au sein de la communauté<br />

scientifique elle-même. Cet embarras perpétuel pour échapper au langage<br />

finaliste est pointé par le recours fréquent à des périphrases nombreuses et<br />

plus ou moins complexes (tel organe est là « pour… », « en vue de… », « le rôle<br />

de telle structure est de… », « tout se passe comme si… »), ou par l’usage de<br />

termes à prendre dans un sens très métaphorique, comme celui de « stratégies<br />

adaptatives », toutes tentatives destinées à masquer, avec plus ou moins de<br />

bonheur, la téléologie du langage fonctionnel. Sans doute la notion de fonction<br />

a-t-elle joué un rôle central en biologie pour pouvoir éluder, en pratique,<br />

la perspective d’un finalisme transcendant et généralisé. S’il n’est donc pas<br />

« convenable » de dire que l’œil est fait pour voir, on ne peut échapper à la<br />

nécessité d’en exprimer l’idée. La résolution de la difficulté est donc assurée<br />

par le recours au concept de fonction : si l’œil n’est pas fait pour voir, la fonction<br />

de l’œil est de voir ! Mises ainsi, grâce à la fonction, à l’abri du finalisme, et<br />

au prix de quelques circonvolutions sémantiques, les disciplines fonctionnelles<br />

7. Par « fonctionnalisme », on entend simplement ici la constatation de l’adéquation<br />

non triviale de la structure biologique à la fonction, sans impliquer les connotations<br />

de ce terme en philosophie de l’esprit et en métaphysique.

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