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Les mondes darwiniens

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[o l i v i e r b r o s s e au & m a r c silberstein / évolution n is m e(s) et c réation n is m e(s)]<br />

Terre a été créée entre 6 000 et 10 000 ans, suivant les interprétations de la<br />

généalogie biblique). Dès la deuxième moitié du xix e siècle, Ernest Renan raille<br />

fort bien la position benoîte de ce créationnisme (qui est alors dominant) ; son<br />

propos est encore plus flagrant de nos jours…<br />

Qui ne voit que Galilée, Descartes, Newton, Lavoisier, Laplace, ont changé la<br />

base de la pensée humaine, en modifiant totalement l’idée de l’univers et de<br />

ses lois, en substituant aux enfantines imaginations des âges non scientifiques<br />

la notion d’un ordre éternel, où le caprice, la volonté particulière, n’ont plus<br />

de part. Ont-ils diminué l’univers, comme le pensent quelques personnes ?<br />

Pour moi, j’estime tout le contraire. Le ciel, tel qu’on le voit, avec les données<br />

de l’astronomie moderne, est bien supérieur à cette voûte solide, constellée<br />

de points brillants, portée sur des piliers, à quelques lieues de distance en l’air,<br />

dont les siècles naïfs se contentèrent. Je ne regrette pas beaucoup les petits<br />

génies qui autrefois dirigeaient les planètes dans leur orbite ; la gravitation<br />

s’acquitte beaucoup mieux de cette besogne, et, si par moments j’ai quelques<br />

mélancoliques souvenirs pour les neuf chœurs d’anges qui embrassaient<br />

les orbes des sept planètes, et pour cette mer cristalline qui se déroulait aux<br />

pieds de l’Éternel, je me console en songeant que l’infini où notre œil plonge<br />

est un infini réel, mille fois plus sublime aux yeux du vrai contemplateur que<br />

tous les cercles d’azur des paradis d’Angelico de Fiésole. 2<br />

Cette citation illustre une modification importante des rapports entre la<br />

parole imposée par le respect au sacré et des conceptions du monde ne pouvant<br />

plus se contenter d’obéir à ces textes, tant l’essor des sciences rendait<br />

vulnérables tous ces récits des origines, alors même que les sciences se donnaient<br />

les moyens de penser non plus les origines mais les commencements<br />

(de la Terre, de vie, de l’homme, etc.). L’histoire se répète et on repère dans la<br />

deuxième moitié du xx e siècle les mêmes tensions entre foi et science.<br />

Revenons au créationnisme « fort ». Le mouvement Answers in Genesis est<br />

un des promoteurs actuels de cette resucée ; on lui doit récemment l’ouverture<br />

d’un musée de la Création (Petersburg, Kentucky), avec des expositions sur la<br />

« cosmologie créationniste », les « interprétations créationnistes de la mécanique<br />

quantique », des scènes montrant la cohabitation pacifique de dinosaures<br />

au sein du jardin d’Eden… Ces exemples indiquent que les frontières ne sont<br />

pas toujours étanches entre les créationnistes biblistes, qui n’ont que faire des<br />

sciences pour assurer leur credo, et les créationnistes dits scientifiques. C’est<br />

2. Renan et al. (1881), L’œuvre de Claude Bernard, Baillière, p. 14-15 @.

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