22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

319 / 1576<br />

[gu i llau m e lecoi ntr e / filiation]<br />

vraie méthodologie, et comme le souligne Dupuis 84 , il laisse ses successeurs<br />

se débrouiller au cas par cas. La vraie raison pour laquelle Darwin ne fut pas<br />

suivi dans le siècle qui succéda à la parution de L’Origine ne fut donc pas tant<br />

son ambiguïté quant à l’expression de son programme, mais surtout qu’il ne<br />

donna pas le mode d’emploi pour le réaliser. Il considérait presque la classification<br />

strictement généalogique comme un idéal hors d’atteinte ; attitude<br />

actant tacitement de l’absence de méthode de construction d’arbre partant<br />

d’êtres concrets. Sans construction formelle d’arbre, pas de distinction entre<br />

des ancêtres abstraits et des ancêtres concrets ; pas de solution à la tension<br />

ressentie chez Darwin entre l’arrangement « généalogique » et l’assignation<br />

de rangs (la catégorisation nomenclatoriale 85 ). Même si cette attention portée<br />

à une traduction peut sembler désuète ou superflue au lecteur, Tassy 86<br />

a raison de signaler avec Dupuis 87 que l’enjeu de ce texte est considérable<br />

pour comprendre ce que les systématiciens vont faire dans le siècle suivant.<br />

L’absence de méthode permit, selon le mot de Dupuis 88 , la survie de « procédures<br />

insuffisamment épurées » et le mélange ultérieur en systématique<br />

de taxonomies divisives et agglomératives. Mais moins techniquement, sans<br />

méthode nouvelle, et avec des traduction confuses (pour ce qui concerne<br />

le contexte français), c’est la tradition qui, par inertie, se maintint. Existe-t-il<br />

d’autres raisons pour lesquelles les classifications biologiques ne devinrent pas<br />

purement phylogénétiques après Darwin ? Il y eut deux raisons principales.<br />

La première tient au contexte social dans lequel Darwin émit ses idées et<br />

au rôle des fossiles. Sommés par leurs détracteurs dès 1860 – dont la plupart<br />

émettaient leurs critiques du dehors des sciences – de fournir des preuves de<br />

l’évolution biologique, les <strong>darwiniens</strong> eurent tendance à présenter les fossiles<br />

comme des ancêtres identifiés, de véritables ancêtres incarnés, preuves matérielles<br />

du déroulement évolutif, ce qui acheva la confusion entre généalogie<br />

(relations d’ancêtres à descendants : qui descend de qui, non directement<br />

accessibles à l’investigation) et la phylogénie (relations de parenté : qui est<br />

84. Dupuis (1988), «Le taxinomiste face aux catégories», Cahier des naturalistes, Bull.<br />

N. P. n. s. 44(3), p. 90-91.<br />

85. Cf. Dupuis (1988), ibid.<br />

86. Tassy (1991), L’arbre à remonter le temps, Christian Bourgois.<br />

87. Dupuis (1986), «Darwin et les taxonomies d’aujourd’hui», in P. Tassy (coord.), L’ordre<br />

et la diversité du vivant, Fayard, Fondation Diderot ; idem (1988),<br />

88. Dupuis (1986), «Darwin et les taxonomies d’aujourd’hui», in P. Tassy (coord.), L’ordre<br />

et la diversité du vivant, Fayard, Fondation Diderot.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!