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Les mondes darwiniens

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[a r m a n d de r i c qlès & j e a n g ay o n / fonction]<br />

est bien d’assurer la vision. Cet aspect normatif de la fonction est également<br />

évident dans le domaine de la technologie : ce n’est pas parce que l’automobile<br />

est en panne que sa fonction n’est pas de transporter des passagers et leurs<br />

bagages. En technologie comme en biologie ou en médecine, la possibilité que<br />

la fonction puisse ne pas être remplie (panne, dysfonctionnement, pathologie,<br />

etc.) est donc essentielle à la délimitation même du concept.<br />

2 Le fonctionnalisme, un masque « présentable »<br />

du finalisme en biologie ?<br />

tous les niveaux de la hiérarchie biologique, l’omniprésente utilité du<br />

À concept de fonction se comprend assez facilement parce que ce concept<br />

propose, ne serait-ce que de façon implicite et ramassée, une justification<br />

des données observées, autrement dit l’apparence d’une explication rationnelle<br />

des faits. Évoquer la fonction, c’est donc toujours donner à saisir une<br />

recherche des causes. Songeons à la définition de l’hormone : « Substance<br />

chimiquement définie, produite par une glande endocrine, véhiculée par le<br />

sang, et exerçant sur un organe cible particulier appelé récepteur une action<br />

spécifique qui est son seul rôle. » La fonction de l’hormone, autrement dit<br />

l’explication de sa présence dans l’organisme, c’est donc bien d’aller réguler<br />

la marche de tel organe, dans telle circonstance physiologique. Cette option<br />

argumentative rejoint en fait une tendance millénaire de l’esprit, souvent mise<br />

en avant par les théologies passées et présentes, et qui porte sur la finalité<br />

patente des organes constitutifs des êtres vivants. Si l’œil est si manifestement<br />

« fait pour voir », c’est donc qu’il y aurait une finalité générale dans la nature.<br />

Celle-ci peut être facilement admise et comprise dans la perspective théologique<br />

où chaque être a été créé selon ses fins. Cette « théologie naturelle » a<br />

été très en vogue au xviiie et au xixe siècles avec l’image du « Grand horloger »,<br />

en France comme en Angleterre, de l’abbé Pluche (1688-1761) au révérend<br />

Paley (1743-1805). Son argumentation, qui semble ressurgir étrangement de<br />

nos jours chez les adeptes de l’« Intelligent Design », échappe totalement aux<br />

canons de la démarche scientifique (voir plus loin). Une version quelque peu<br />

laïcisée du finalisme théologique fut d’ailleurs développée dès l’Antiquité par<br />

Aristote dans <strong>Les</strong> Parties des animaux @, avec son concept des causes finales.<br />

Bien entendu, la finalité fonctionnelle des structures ne pose pas problème en<br />

technologie où une intention téléologique consciente de la part de l’homme<br />

est revendiquée dans la réalisation d’objets ou de machines. Mais elle pose<br />

problème en biologie dans la mesure où celle-ci participe de la science et de

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