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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

ne disposons bien évidement pas de tels registres, mais par l’observation nous<br />

savons que les chats et les chiens ne se croisent pas. Le développement des techniques<br />

de l’agriculture et de l’élevage repose probablement en grande partie sur<br />

l’observation que ces regroupements d’organismes forment des communautés<br />

de reproduction. Nous percevons donc intuitivement la biodiversité comme un<br />

découpage en entités discrètes séparées par des barrières de reproduction.<br />

1.2 La perception prédarwinienne des espèces<br />

On retrouve formalisée chez les naturalistes avant Darwin cette perception<br />

intuitive de la biodiversité. Prenons comme point de départ Linné, que l’on<br />

considère classiquement comme le père de la systématique moderne. Dans le<br />

livre Fundamenta botanica4 , il propose une définition qui s’inspire des travaux<br />

du botaniste John Ray, où ressemblance et descendance sont intimement<br />

liées : une espèce est un « ensemble d’individus qui engendrent, par la reproduction,<br />

d’autres individus semblables à eux-mêmes ». Cette définition explicite<br />

le mécanisme qui cause la ressemblance des individus que l’on regroupe<br />

sous un même vocable. En revanche, quand il s’agit d’expliquer l’existence de<br />

ces groupes, Linné affirme : « Nous comptons aujourd’hui autant d’espèces<br />

qu’il y a eu au commencement de formes diverses créées. » Il se place ainsi<br />

résolument dans un cadre théologique et met la question de l’origine des<br />

espèces hors du cadre scientifique.<br />

<strong>Les</strong> naturalistes pré<strong>darwiniens</strong> se placent presque tous dans ce même<br />

cadre. La définition précise de l’espèce peut varier mais associe toujours descendance<br />

et ressemblance, et la question de l’origine renvoie – plus ou moins<br />

explicitement – au cadre théologique. On peut par exemple citer Augustin<br />

Pyrame de Candolle pour qui « l’espèce est la collection de tous les individus<br />

qui se ressemblent plus entre eux qu’ils ne ressemblent à d’autres ; qui peuvent,<br />

par une fécondation réciproque, produire des individus fertiles et qui<br />

se reproduisent par la génération, de telle sorte qu’on peut, par analogie, les<br />

supposer tous sortis originairement d’un seul individu5 ».<br />

On peut encore citer Cuvier pour qui « l’espèce est la réunion des individus<br />

descendus l’un de l’autre et de parents communs, et de ceux qui leur ressemblent<br />

autant qu’ils se ressemblent entre eux6 ». On peut également tirer de<br />

4. Linné (1736), Fundamenta Botanica, Salomon Schouten @.<br />

5. De Candolle (1844), Théorie élémentaire de la botanique (3 e éd), Roret @.<br />

6. Cuvier (1830), Discours sur les révolutions de la surface du globe (6 e éd.), Edmond<br />

d’Ocagne @.

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