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Les mondes darwiniens

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[pa s c a l picq / les dessous de l’hom i n isation]<br />

guerre mondiale et au moment où la théorie synthétique de l’évolution prend<br />

son essor, sans pénétrer le champ de la paléoanthropologie. Plusieurs lectures<br />

et interprétations de ses textes sont possibles, bien que la plus courante<br />

soit celle d’un réductionnisme téléologique. Il serait utile de relire le beau<br />

texte de Clément Rosset 14 consacré à Teilhard, dans lequel il offre une lecture<br />

ouverte, humainement ouverte aux autres, dégagée du finalisme ostracisant<br />

dénoncé dans ces pages, quitte à accueillir dans la communauté des hommes<br />

les chimpanzés, ainsi que le préconisait Jean-Jacques Rousseau selon l’analyse<br />

proposée par Lévi-Strauss. Plutôt prendre le risque d’inviter les autres dans la<br />

communauté humaine, quitte à s’apercevoir qu’ils n’en respectent pas tout<br />

les critères et de les en écarter avec dignité, plutôt que d’exclure d’emblée<br />

en brandissant le Thèse et en leur niant d’emblée toute dignité ; une sorte de<br />

« pari de Pascal » anthropologique.<br />

La nature de ce débat traverse toute la pensée occidentale. Sa profonde<br />

nature n’est donc pas que philosophique, religieuse ou scientifique ; elle est aussi<br />

idéologique puisqu’elle s’insinue dans tous ces domaines de la pensée, y compris<br />

le politique. Fort heureusement pour l’humanité, l’histoire des idées en théologie<br />

et en philosophie est comme celle des espèces, marquée par la diversité, ce qui<br />

leur permet d’évoluer. On comprend bien pourquoi tout discours sur les origines<br />

et l’évolution de l’Homme ne peut échapper aux dérives idéologiques puisqu’une<br />

des figures préférée de leur construction repose sur une « naturalisation » de<br />

leurs affirmations ; on comprend dès lors leur aversion pour toute recherche<br />

objectiviste sur les origines 15 . Ne leur en déplaise, aucun domaine de la pensée<br />

ne peut s’arroger le droit exorbitant de s’en attribuer la seule compétence. À<br />

chacun de définir son périmètre de réflexion avec ses fondements épistémologiques<br />

et ce n’est qu’à cette condition qu’une réflexion sur l’hominisation devient<br />

possible, car ouverte, mais située sur le terrain des valeurs.<br />

Ayant précisé cela, l’hominisation n’a rien à faire en biologie, et donc dans<br />

les théories de l’évolution. C’est un concept philosophique au sens large, une<br />

réflexion nécessaire sur la place de l’Homme dans la nature et l’histoire de<br />

la vie 16 . Il ne s’agit pas là, évidemment, d’une prise de position semblable<br />

14. Rosset, « Essai sur Teilhard de Chardin », in La lettre aux chimpanzés, Gallimard,<br />

1965.<br />

15. Cf. Picq, Nouvelle histoire de l’homme, Perrin, 2005.<br />

16. Cf. Picq, Lucy et l’obscurantisme, Odile Jacob, 2007. Picq, Préface, in C. Darwin,<br />

L’instinct, Éditions du temps présent, 2009.

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