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Les mondes darwiniens

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[philippe h u n e man / sélection]<br />

populations, traitables comme des populations infinies, la sélection l’emportait<br />

toujours de sorte qu’en général la fitness moyenne de population augmentait.<br />

À l’inverse, Sewall Wright, qui a beaucoup étudié la dérive génétique, pensait<br />

que les populations sont souvent fractionnées en plus petites, de sorte que<br />

la dérive génétique y est importante. Ce fait joue un rôle fondamental dans la<br />

compréhension de l’évolution, car c’est la possibilité<br />

de dérive qui empêche les populations de stagner sur<br />

des optima de fitness locaux 72 (figure 2 ).<br />

La question n’est toujours pas tranchée 73 et repose<br />

sur la prévalence empirique des petites populations.<br />

Plus tard, la théorie neutraliste de Motoo Kimura 74<br />

montra que, au niveau des nucléotides (et non des<br />

traits eux-mêmes), la dérive est une force extrêmement<br />

intense, responsable d’une bonne partie de la<br />

composition du génome 75 . L’un des arguments pour<br />

Paysage adaptatif. On note<br />

les optima locaux à côté du<br />

global.<br />

cela est le fait que différents triplets de nucléotides codent pour le même acide<br />

aminé 76 , de sorte que certaines substitutions de nucléotides sont indécelables<br />

72. Sewall Wright a élaboré l’idée de « paysage adaptatif », soit la surface définie<br />

par les fréquences des n allèles possibles sur les n axes, et la fitness moyenne<br />

de la population correspondante à la combinaison de ces n fréquences sur le<br />

dernier axe. Un tel paysage montre évidemment des optima locaux et globaux,<br />

et la question est : pourquoi toutes les populations ne restent pas le plus souvent<br />

sur des optima locaux. La théorie de la « shifting balance » mentionnée ici vise<br />

à résoudre ce problème. Par ailleurs, les pics ne sont pas forcément stables car<br />

une population qui atteint un optimum local perd de la diversité génétique et<br />

devient donc plus vulnérable aux changements environnementaux. Néanmoins,<br />

récemment, Gavrilets a montré que dans la mesure où les paysages réels sont à<br />

très haute dimensionalité, leurs propriétés mathématiques sont différentes des<br />

paysages intuitifs à trois dimensions, et elles autorisent des formes à n dimensions<br />

qui rendent possible des passages d’un pic à l’autre sans perte de fitness (Gavrilets,<br />

2010, “High Dimensional fitness landscapes and speciation”, in Müller & Pigliucci<br />

(eds.) (2010), Evolution : the extended synthesis, MIT Press @).<br />

73. Cf. Coyne et al. (1997), “Perspective : a critique of Sewall Wright’s shifting balance<br />

theory of evolution”, Evolution, 51 @.<br />

74. Kimura (1990), Théorie neutraliste de l’évolution [1983], Flammarion.<br />

75. Pour les neutralistes, il ne s’agit pas exactement de la dérive au sens de Wright puisque<br />

il considérait les allèles eux-mêmes tandis qu’eux s’attachent à la fluctuation<br />

stochastique de la composition nucléotidique des allèles ; mais dans les deux cas il<br />

s’agit d’une alternative stochastique sélectivement neutre à la sélection naturelle.<br />

76. Ce que l’on appelle la dégénérescence du code génétique.

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