22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

673 / 1576<br />

[t h o m a s h e a m s / de quoi la b iolog i e synthétiqu e est-elle le nom ?]<br />

condamnable. Cela ne signifie pas qu’il faut s’interdire tout progrès scientifique,<br />

mais qu’il est aussi de la responsabilité des chercheurs de réfléchir aux<br />

implications humaines de leurs promesses de bonheur. Cette responsabilité<br />

est d’autant plus criante que par une ruse de l’histoire, cette situation s’est<br />

déjà présentée dans un contexte proche. On a vu en effet que des bactéries<br />

avaient été modifiées pour produire de l’indigo. Or si l’on s’intéresse à l’histoire<br />

de la production de cette teinture, on apprend que lorsque celle-ci a été<br />

produite pour la première fois chimiquement par les industries allemandes au<br />

xix e siècle, cette « avancée » en a logiquement enrichi les propriétaires, tout<br />

en démantelant la production traditionnelle en provenance… des colonies 103 !<br />

Est-ce ce schéma que nous voulons voir se reproduire indéfiniment, à chaque<br />

fois qu’une découverte est labellisée « progrès technique décisif » ? N’est-il pas<br />

largement le temps de réfléchir à la manière d’associer loyalement les acteurs<br />

d’une filière ainsi « perturbée » ? Si des biologistes insistent pour rentrer dans<br />

le monde merveilleux de la finance, puissent-ils au moins ne pas en adopter<br />

le cynisme comme seul bréviaire.<br />

Ils auront face à eux une nouvelle classe d’acteurs sociaux que sont les<br />

ONG se consacrant aux innovations technologiques. Elles aussi profondément<br />

ancrées dans la culture d’immédiateté et de transparence de l’internet, elles<br />

sont des interlocuteurs remarquablement informés. L’homérique bataille en<br />

cours sur les OGM, ou d’autres comme celle sur les nanotechnologies, sont<br />

le signe que des individus se regroupent pour collectivement se donner le<br />

droit de réfléchir – sans exhiber forcément des diplômes universitaires – aux<br />

implications sociales des recherches de pointe. Même si, par souci de notoriété,<br />

certaines de ces structures cèdent parfois à des approximations ou des<br />

amalgames qui sur le fond peuvent desservir ponctuellement leur crédibilité,<br />

il serait inconscient que la communauté scientifique n’entretienne avec eux<br />

qu’un rapport de méfiance. Un dialogue franc et continu, dans un souci de<br />

production partagée d’expertise, doit pouvoir s’élaborer. Cela n’implique pas<br />

d’être toujours d’accord et le « corps social » peut se tromper tout autant que<br />

la « communauté scientifique ». Mais ce dialogue demeure nécessaire pour<br />

aux moins deux raisons. La première est qu’il est intervient historiquement<br />

sur les cendres encore chaudes du conflit sur les OGM et qu’à bien des égards,<br />

même si les chercheurs n’osent pas le dire explicitement, les produits de la<br />

103. Yeh & Lim (2007), “Synthetic biology : lessons from the history of synthetic organic<br />

chemistry”, Nat. Chem. Biol., 3(9) @.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!