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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

de proposer une histoire évolutive pour chaque trait. Cette supposition est<br />

problématique. D’une part, certains traits ne peuvent changer parce qu’ils<br />

nécessiteraient des modifications trop importantes dans l’ensemble de l’organisme.<br />

D’autre part, certains traits peuvent évoluer sous l’effet d’une modification<br />

dans une autre partie de l’organisme. Le dernier problème que nous<br />

mentionnerons est qu’il est difficile de réfuter ces scénarios (Gould et Lewontin<br />

les appellent des « just so stories »).<br />

Pour ces raisons, lorsque l’on considère n’importe quel trait d’un organisme,<br />

il ne faudrait pas se demander quel problème environnemental a déterminé<br />

sa forme, mais s’efforcer de démêler les différentes raisons (historiques, développementales,<br />

etc.) qui pourraient contribuer à expliquer ses caractéristiques<br />

actuelles. Le philosophe de la biologie Michael Ghiselin défend une thèse de<br />

cet ordre lorsqu’il affirme : « Le panglossisme est mauvais parce qu’il pose la<br />

mauvaise question, c’est-à-dire “Qu’est-ce qui est bon ?” […]. L’alternative est<br />

de rejeter complètement une pareille téléologie. Plutôt que de se demander<br />

“Qu’est-ce qui est bon ?”, nous nous demandons “Que s’est-il passé ?” 26 »<br />

2.2 Le bricolage évolutif<br />

Le fait d’analyser un système biologique en termes de design soulève un<br />

autre problème, qui a été discuté par François Jacob dans un article célèbre27 .<br />

Jacob a défendu la thèse selon laquelle l’évolution ne procédait pas selon un<br />

processus d’optimisation, mais par une sorte de bricolage.<br />

Jacob part de l’idée que la sélection naturelle crée de la nouveauté à partir<br />

de la réutilisation et de la recombinaison de vieux matériaux : on peut<br />

dire qu’elle fait du neuf avec du vieux. Contrairement à ce qui est parfois dit,<br />

l’évolution ne procède donc pas à la manière d’un ingénieur. Premièrement,<br />

l’ingénieur travaille en fonction d’un plan prédéfini ; il connaît le résultat auquel<br />

il veut aboutir. Deuxièmement, il dispose de matériel et d’outils spécialement<br />

conçus pour la tâche à réaliser. Troisièmement, et ce point est important, les<br />

objets qu’il construit atteignent normalement une sorte de perfection (qui<br />

dépend évidemment des possibilités technologiques du moment).<br />

Jacob contraste cette manière de procéder avec ce qu’on observe au cours<br />

de l’évolution. Celle-ci, nous dit-il, mène rarement à la perfection. Elle opère<br />

comme un bricoleur, qui utilise tout ce qu’il trouve autour de lui pour produire<br />

26. Cité dans Lewens, Organisms And Artifacts, Design in Nature and Elsewhere, The<br />

MIT Press, 2004 @ , p. 41.<br />

27. Jacob, “Evolution and tinkering”, Science, 196, 1977 @.

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