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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

filiation, quel que soit le degré ou la somme des modifications propres (voir<br />

le passage sur les pigeons ou sur l’Hottentot). Cette somme de modifications<br />

ultérieures propres à une lignée devait être géré, pour Darwin, en termes d’assignation<br />

de rangs (ranking), pas en termes de constitution de groupes (arrangement)<br />

; Darwin est clair sur cette question, dans le même texte lorsqu’il<br />

traite de ce qu’il faut faire de la lignée F de sa figure au regard de ce qui est<br />

fait pour la lignée A et I. Pour rendre le propos plus accessible, prenons un<br />

exemple concret, celui des mammifères. Imaginons que le déploiement de la<br />

lignée A de la figure de L’Origine des espèces soient les mammifères thériens<br />

(placentaires et marsupiaux), et le déploiement de la lignée F soit l’ornithorynque.<br />

Ce dernier possède avec la lignée A la glande lactéale à l’origine du lait,<br />

les poils et la mandibule constituée d’un seul os, l’os dentaire. Ces trois traits<br />

sont des traits qui rattachent sans ambiguïté l’ornithorynque à la lignée de A,<br />

dans un groupe appelé mammifères. L’arrangement consiste à faire un seul<br />

groupe, celui des Mammalia, comprenant A et F. Cependant, l’ornithorynque<br />

est vraiment un mammifère « spécial », avec sa structure osseuse temporale,<br />

ses dents spéciales, son bec corné, ses éperons venimeux aux pattes postérieures<br />

des mâles, ses pattes palmées, sa queue plate… Comment gérer cette<br />

« somme » des modifications qu’a subi la lignée propre aux ornithorynques ?<br />

Selon la traduction de Barbier, s’il s’agit de gérer par « arrangement » : alors<br />

nous aurions fait un groupe à part des ornithorynques par une coupure divisive,<br />

afin de souligner leur exceptionnelle dérivation, et un groupe des mammifères<br />

non ornithorynques (regroupant les échidnés, les marsupiaux et les placentaires<br />

; l’analogie est ici claire avec les poissons, qui sont des vertébrés non<br />

tétrapodes, et les reptiles qui sont des amniotes non oiseaux). Selon Darwin<br />

lui-même, cette situation est à gérer en assignation de rang. L’ornithorynque,<br />

au lieu d’avoir sa « boîte » portant l’étiquette de famille, verra assignée à cette<br />

boîte le rang de sous-classe. La traduction de Barbier donne aux spécialisations<br />

des lignées le critère de fabrication des boîtes (ce que feront les systématiciens<br />

après Darwin), tandis que Darwin souhaitait ne gérer l’empilement des spécialisations<br />

propres aux lignées qu’à l’aide de rangs assignés à des boîtes qui, elles,<br />

devaient rester régies par l’apparentement. Une fois de plus la traduction de<br />

Barbier introduisit donc une grande confusion. On remarquera pourtant qu’il<br />

n’y a pas de contradiction entre les deux recommandations de Darwin. Ce n’est<br />

pas parce qu’il faut gérer les spécialisations des lignées en assignation de rang<br />

que cela conduit nécessairement à suivre une logique divisive ou à faire des<br />

grades. Darwin ne dit simplement pas comment faire, il reste au seuil d’une

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