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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

caractères importants. » Ce texte consiste alors à faire des reptiles un groupe<br />

monophylétique en y incluant les oiseaux, ce que préconisera la systématique<br />

phylogénétique après 1966. Aujourd’hui encore, si l’on souhaite maintenir<br />

les reptiles dans la classification, il faut y inclure les oiseaux 82 . C’est le même<br />

raisonnement que nous tenons lorsque nous considérons les oiseaux comme<br />

des dinosaures actuels.<br />

Darwin, dans son chapitre XIII, ne préconise donc pas les grades : pour<br />

classer, priorité doit être donnée à la filiation, à l’ascendance commune, et pas<br />

aux degrés de spécialisations ultérieurs propres à des lignées uniques, aussi<br />

spectaculaires soient-elles. Pourquoi n’a-t-on pas fait des groupes monophylétiques<br />

tout de suite ? Tassy 83 assigne ce retard à une ambiguïté de Darwin<br />

lui-même :<br />

<strong>Les</strong> systématiciens pré<strong>darwiniens</strong>, Darwin lui-même et nombre de ses successeurs<br />

ont utilisé la somme des modifications comme un outil taxinomique de<br />

grande efficacité. Dans l’Origine, Darwin précise : « Je crois que l’arrangement<br />

des groupes dans chaque classe, d’après leurs relations et leur degré de subordination<br />

mutuelle, doit, pour être naturel, être rigoureusement généalogique ;<br />

mais que la somme des différences dans les diverses branches ou groupes,<br />

alliés d’ailleurs au même degré de consanguinité avec leur ancêtre commun,<br />

peut différer beaucoup, car elle dépend des divers degrés de modification<br />

qu’ils ont subis ; or, c’est là ce qu’exprime le classement des formes en genres,<br />

familles, sections ou ordres. » Et Darwin conclut : « Le système naturel ramifié<br />

ressemble à un arbre généalogique ; mais la somme des modifications éprouvées<br />

par les différents groupes doit exprimer leur arrangement en ce qu’on<br />

appelle genres, sous-familles, familles, sections, ordres et classes. » La somme<br />

des modifications n’est pas un concept généalogique, elle ne nous donne pas<br />

la filiation ; elle est donc typologique. Mais, semble-t-il, Darwin admet qu’elle<br />

puisse être à la source de l’assignation des groupes à telle ou telle catégorie<br />

de la classification. De l’inclusion d’un groupe à tel niveau de la hiérarchie à<br />

l’identification même du groupe, il n’y a qu’un pas. Dans sa conclusion, Darwin<br />

use même du vocable « arrangement » pour l’assignation des groupes aux différentes<br />

catégories – alors qu’il aurait dû utiliser celui de « ranking », en français<br />

: « catégorisation ». Cette ambiguïté formelle et cette concession à une<br />

pratique typologique de la classification seront lourdes de conséquences. On<br />

peut y voir la cause première de ce qui sera considéré par le néodarwinisme<br />

du xx e siècle comme le meilleur mode de représentation de la phylogénie : des<br />

82. Laurin (2008), Systématique, paléontologie et biologie évolutive moderne : l’exemple<br />

de la sortie des eaux chez les vertébrés, Ellipses, p. 18.<br />

83. Tassy (1991), L’arbre à remonter le temps, Christian Bourgois, p. 48.

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