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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

Pour pallier ce problème, des auteurs ont cherché à prendre en compte<br />

l’effet de la sélection naturelle à l’échelle de l’analyse phylogénétique 63 . À cette<br />

échelle, on substituerait à la mesure réelle de la sélection naturelle un « régime<br />

sélectif » qui correspond, dans les exemples cités par les auteurs, aux usages<br />

de caractères présumés adaptatifs et dont l’histoire serait également reconstruite<br />

sur l’arbre phylogénétique utilisé. Il en est ainsi des structures tarsales<br />

chez des lézards qui sont mis en relation avec le mode et le substrat de déplacement.<br />

L’usage de tels substituts représente une approximation colossale :<br />

on ne mesure pas une valeur sélective en termes de survie et de reproduction<br />

différentielles mais l’usage ou la performance avec ce trait. En outre, on prétend<br />

reconstruire phylogénétiquement la valeur sélective ainsi supposée approximée.<br />

Le problème principal de ce type d’études est que le contexte, c’est-à-dire<br />

la sélection naturelle, n’est pas un caractère des organismes mais une variable<br />

environnementale et qu’elle n’est donc pas héritable. Vouloir analyser phylogénétiquement<br />

son évolution est donc absurde 64 . En outre, l’usage d’un caractère<br />

– aussi assidu et efficace soit-il – n’est en aucun cas une garantie quant à sa<br />

valeur sélective. C’est le problème des études d’optimalité 65 qui considèrent un<br />

bon design et une optimalité parfaite comme autant de preuves de l’adaptation.<br />

On tombe dans le domaine dit téléonomique de l’étude de l’adaptation, qui se<br />

réclame d’une légitimité philosophique : toute fonction a nécessairement une<br />

finalité présente signalée par la qualité de son design ou son efficacité 66 .<br />

L’étude de la finalité de l’ajustement adaptatif d’un trait revient en outre<br />

à deviner une fonction qui est supposée avoir été la cible de la sélection<br />

naturelle. Le problème est que cette supposition, en particulier lorsqu’elle<br />

est dépourvue du contexte d’étude phylogénétique, n’est rien d’autre qu’une<br />

histoire ad hoc (les « just so stories » d’après S.J. Gould, empruntant la locution<br />

à Rudyard Kipling). Ce n’est là que perpétuer avec un luxe de technique<br />

63. Baum & Larson (1991), “Adaptation reviewed : A phylogenetic methodology for<br />

studying character macroevolution”, Systematic Zoology, 40 @.<br />

64. Grandcolas & D’Haese (2003), “Testing adaptation with phylogeny : How to account<br />

for phylogenetic pattern and selective value together ?”, Zoologica Scripta, 32<br />

@.<br />

65. Thornill (1990), “The study of adaptation”, in Bekoff & Jamieson (eds), Interpretation<br />

and Explanation in the Study of Animal Behavior, Westview Press.<br />

66. Par exemple, Griffiths (1993), “Functional analysis and proper functions”, British<br />

Journal for the Philosophy of Science, 44 @. Crespi (2000), “The evolution of maladaptation”,<br />

Heredity, 84 @.

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