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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

situation, etc. 1 En fait, l’intentionnalité caractérise aussi le langage, ainsi que<br />

le souligneront plus tard, parmi d’autres, Chislom et Quine 2 . Pour que la suite<br />

des lettres C, H, I, E et N puisse désigner les chiens, il faut, en effet, quelque<br />

chose qui dirige la première vers les seconds.<br />

Penser et parler supposent ainsi qu’on relie chaque état mental à l’objet<br />

auquel il se rapporte et chaque expression du langage à ce qu’elle désigne.<br />

Mais les relations que l’on suppose alors se révèlent assez singulières. Ainsi,<br />

la relation sémantique permettant de relier, par exemple, le concept CHIEN<br />

ou le mot « chien » à l’espèce des chiens, ne présuppose pas l’existence du<br />

deuxième relatum. En effet, il n’y a pas toujours quelque chose de réel à mettre<br />

à cette place. On peut penser aux licornes et en parler, alors que pourtant elles<br />

n’existent pas. Or, aucun type de relation physique n’est susceptible d’avoir<br />

une telle propriété. <strong>Les</strong> réalités physiques peuvent être reliées de multiples<br />

façons. Elles peuvent même être liées de telle façon qu’un relatum semble<br />

renvoyer obligatoirement à l’autre relatum, comme un bout d’une corde renvoie<br />

à l’autre bout ou le cœur d’un chien renvoie au chien qui le possède (ou<br />

le possédait). Cependant, dans tous les cas, les deux relata se doivent d’exister.<br />

<strong>Les</strong> relations physiques sont obligatoirement des relations entre existants, à<br />

la différence, semble-t-il, des relations sémantiques ou intentionnelles. À la<br />

suite de Brentano, beaucoup de philosophes ont vu dans cette différence la<br />

preuve de l’irréductibilité du mental et du linguistique au physique, et par<br />

là des sciences des phénomènes intentionnels aux sciences de la nature. Ils<br />

y ont vu aussi une justification du rôle central que Brentano avait accordé à<br />

cette chose assez mystérieuse qu’est la capacité de viser. En effet, ce n’est<br />

qu’en tant que chose visée ou imaginée qu’on peut envisager de faire place<br />

à de l’inexistant.<br />

La distinction entre le domaine des phénomènes intentionnels et celui des<br />

phénomènes naturels se marquait ainsi par la place donnée à la téléologie.<br />

Dans le premier, la téléologie était reine via la capacité de viser quelque chose.<br />

Dans le second, elle était totalement absente. La révolution scientifique du xvii e<br />

siècle avait, en effet, mené graduellement à l’éviction totale de la téléologie des<br />

sciences de la nature. Dans la première moitié du xx e siècle, il était entendu<br />

1. Brentano, Psychology from an Empirical Standpoint [1874], Routledge and Kegan<br />

Paul, 1973.<br />

2. Chisholm, Perceiving : A Philosophical Study, Cornell UP, 1957. Quine, Word and<br />

Object, MIT Press, 1960.

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