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Les mondes darwiniens

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[f r a nço i s e longy / fonctions b iolog iqu es et conte n us sémantiqu es : la téléosémantiqu e]<br />

de la grenouille est « nourriture » ou « nourriture pour grenouille ». Notons<br />

qu’effectivement seule compte la réussite, c’est-à-dire ce qui se passe dans les<br />

conditions Normales. S’il est arrivé que le système de détection fasse parvenir<br />

dans l’estomac de la grenouille des plombs (imaginons des chasseurs ou des<br />

expérimentateurs dans le voisinage) au lieu d’une mouche, ce dernier n’a simplement<br />

pas pu accomplir sa fonction dans ce cas précis. Que la sensibilité du<br />

détecteur visuel ne permette pas de distinguer un plomb se mouvant d’une<br />

certaine façon et une mouche en vol ne change rien au fait que c’est parce qu’il<br />

a fourni des mouches qu’il a été sélectionné, et que c’est seulement quand il<br />

fournit des mouches et non des plombs qu’il contribue au bon fonctionnement<br />

du système digestif.<br />

L’objection la plus générale dirigée spécifiquement contre ce type de<br />

téléosémantique a été celle formulée par Pietrosky 41 grâce à une expérience<br />

de pensée impliquant deux espèces imaginaires, les kimus et les snorfs. <strong>Les</strong><br />

kimus vivent au pied d’une colline et sont la proie des snorfs. Un jour un kimu<br />

acquiert un mécanisme qui le rend sensible au rouge et lui rend la présence<br />

du rouge agréable, ce qui le pousse à monter chaque matin à l’aube sur la colline<br />

qui prend une teinte rouge et à y rester jusqu’à ce que la lumière décline.<br />

Cette mutation se répand parmi les kimus qui échappent ainsi aux snorfs,<br />

car ces derniers chassent seulement tôt le matin et ils ne quittent jamais la<br />

vallée. Selon la téléosémantique millikanienne, le contenu de la sensation<br />

qui pousse les kimus à escalader la colline le matin est « Là-bas il n’y a pas<br />

de snorfs » ou quelque chose d’approchant, en tout cas rien qui ressemble<br />

à « Là-bas il y a du rouge ». Cet exemple met l’accent sur le fait que le point<br />

de vue du consommateur peut aboutir à quelque chose qui n’a rien à voir ni<br />

avec la relation causale qui sous-tend la production de la sensation (l’organe<br />

perceptif est sensible au rouge), ni même avec des relations informationnelles<br />

qui s’y rattacheraient. <strong>Les</strong> deux propriétés en cause ne sont, en effet, même<br />

pas co-extensionnelles. Il n’existe aucune corrélation entre l’absence de snorfs<br />

sur la colline et le rougeoiement de la colline, les snorfs y sont absents qu’elle<br />

rougeoie ou pas. Cette expérience de pensée fait voir clairement pourquoi<br />

Dretske n’a jamais cherché à emprunter la voie tracée par Millikan. Prendre<br />

cette voie veut dire renoncer totalement à l’idée de lier le contenu représentationnel<br />

véhiculé par un signe ou un signal à des relations informationnelles<br />

41. Pietroski, “Intentional and Teleological Error”, Pacific Philosophical Quarterly, 73<br />

@, 1992.

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