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Les mondes darwiniens

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[philippe h u n e man / sélection]<br />

termes de Darwin, « variation » et « transmission », étaient expliqués par une<br />

théorie (hérédité comme transmission de gènes, variation comme mutation<br />

et recombinaison 14 ). Mais du même coup, la sélection se compliquait : il n’y<br />

avait plus seulement en jeu des organismes, mais aussi des allèles, des gènes,<br />

des génotypes, des phénotypes ; et l’évolution, pour les généticiens des populations,<br />

n’est plus une transformation des organismes mais un changement<br />

de fréquence génique dans les populations, selon une définition célèbre de<br />

Dobzhansky 15 .<br />

Comment comprendre dans ce contexte le processus de sélection naturelle<br />

lui-même ? Le systématicien Ernst Mayr, l’un des architectes de la théorie<br />

synthétique, écrit : « Darwin a clairement montré que la sélection naturelle<br />

était un processus à deux étapes, la première consistant dans la production<br />

de la variation héritable et la seconde dans le test de cette variation […].<br />

Quand un auteur demande « Est-ce que le changement évolutif est dû à des<br />

processus moléculaires ou à la sélection ? », cela revient à demander : « Est-ce<br />

que l’évolution est-elle un changement dû à l’étape un ou l’étape deux de la<br />

sélection ? » En fait, les deux étapes sont complètement inséparables et cette<br />

question est comme vide de sens. 16 » Dans cette définition, il est frappant que<br />

la sélection joue en quelque sorte deux fois : le second stade est la sélection<br />

proprement dite (« En tant que seconde étape dans ce processus, la sélection<br />

stricto sensu est un processus a posteriori qui a affaire avec la variation précédemment<br />

produite, et non un processus qui produit lui-même la variation »,<br />

continue Mayr), mais l’ensemble est lui aussi la sélection naturelle. On peut<br />

alors se demander si « sélection naturelle » nomme un unique mécanisme,<br />

ou bien si elle désigne un principe explicatif permettant de comprendre divers<br />

processus impliqués dans les changements de fréquences géniques au sein<br />

des populations, mais sans être lui-même un processus.<br />

14. Wright (1932), “The roles of mutation, inbreeding, crossbreeding and selection in<br />

evolution”, Proceedings of the sixth annual congress of genetics, 1 @. Cf. Heams,<br />

« Hérédité » et « Variation », ce volume.<br />

15. Ceci n’est pas vrai pour toute la synthèse moderne, cf. Mayr (The Evolutionary<br />

Synthesis, Harvard UP, 1998, p. 2093) : « L’évolution n’est pas un changement dans<br />

les fréquences géniques, comme on l’affirme souvent, mais la maintenance ou<br />

l’amélioration de l’adaptation et l’origine de la diversité. <strong>Les</strong> changements de fréquences<br />

géniques sont un résultat de cette évolution, pas sa cause. »<br />

16. Mayr (1984), “What is Darwinism today ?”, Proceedings of the Biennal Meeting of<br />

the Philosophy of Science Association, 1984 @, p. 150.

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