22.06.2013 Views

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

Les mondes darwiniens

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

1279 / 1576<br />

[c h r isti n e clavien / évolution, soc iété, éth iqu e : d a r w i n i s m e s o c i a l v e r s u s éth iqu e évolution n iste]<br />

Moore 63 est connu pour s’être insurgé contre ce type de définitions du bien<br />

moral 64 . En un sens il a raison. Il semblerait que l’on perde quelque chose d’important<br />

si l’on cherche à réduire la morale à une réalité descriptive. L’affirmation<br />

qu’un concept ou un énoncé moral peut être reformulé en termes purement<br />

descriptifs entre en contradiction directe avec une conviction très largement<br />

partagée selon laquelle le moral n’appartient pas à la même catégorie que le<br />

descriptif. Si une telle réduction pouvait être opérée, il n’y aurait plus moyen<br />

de rendre compte des différences et des rapports qu’entretiennent le moral<br />

et le descriptif (par exemple le fait que les notions morales, au contraire des<br />

notions descriptives, sont prescriptives par définition). D’autre part, il semblerait<br />

que si l’on veut mener le projet réductionniste jusqu’au bout en proposant<br />

une description du bien moral à la fois claire et exempte de toute composante<br />

normative, on perd du même coup l’intérêt de parler de morale. En quelque<br />

sorte, cela revient à jeter le bébé avec l’eau du bain. Si le normatif se réduit<br />

complètement au descriptif, on peut légitimement se demander pourquoi il est<br />

encore utile de maintenir une réflexion morale ! À trop vouloir la démystifier,<br />

on finit par la perdre.<br />

Il convient cependant de noter que cette critique ne concerne pas les<br />

tentatives de définition « non exhaustive » du bien moral. Il peut être utile de<br />

donner une définition qui fournit une certaine compréhension du bien moral<br />

sans prétendre à l’identité conceptuelle 65 . Par exemple, on pourrait dire que<br />

le bien moral entretient une relation étroite avec la coopération et la prise en<br />

compte des intérêts d’autrui. C’est une explication descriptive utile dont on<br />

ne peut pas rejeter a priori la pertinence.<br />

À défaut de pouvoir proposer une définition exhaustive du bien moral<br />

en termes descriptifs, certains pourraient être tentés de fournir une argumentation<br />

logique au terme de laquelle, sur la base de prémisses purement<br />

descriptives, s’ensuit une conclusion normative. Voici un exemple de ce type<br />

d’argumentation :<br />

Prémisse 1 : Dans un groupe d’être sociaux, un individu possédant la capacité<br />

d’agir de manière altruiste améliore l’espérance de vie des membres de la société<br />

entière. C’est la raison pour laquelle cette capacité peut être sélectionnée.<br />

63. Moore (1998), Principia ethica @ [1903], PUF.<br />

64. Sur la critique du « sophisme naturaliste » par Moore, cf. Ravat, ce volume.<br />

(Ndd.)<br />

65. À ce propos, cf. Putnam (2004), Fait/valeur : la fin d’un dogme, et autres essais<br />

[2002], Éd. de l’Éclat.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!