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Les mondes darwiniens

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[les mon des <strong>darwiniens</strong>]<br />

que la résultante des interactions écologiques sur des organismes soumis aux<br />

lois de l’ontogenèse 22 .<br />

Ces aphorismes plaisants n’ont guère valeur d’argument, mais ils servent<br />

incontestablement à identifier les pôles du débat autour de la structure théorique<br />

de la biologie ; ils nécessitent pour cette raison d’être affinés et repris par<br />

une analyse philosophique détaillant le champ des articulations possibles.<br />

En toute honnêteté, l’attention portée à la coordination et à l’intégration<br />

des lois écologiques et évolutives n’est pas récente, et remonte au moins<br />

au début du siècle avec la naissance de l’écologie des populations sous la<br />

houlette de James Lotka notamment. Lorsqu’il publie les équations sur la<br />

dynamique des populations qui firent sa renommée, dans Elements of physical<br />

biology 23 , il était guidé par une vision intégratrice marquée, même si sa<br />

conception de l’évolution s’inspirait plutôt d’Herbert Spencer (1820-1903) 24<br />

et si sa technique d’analyse relevait avant tout de schèmes économiques et<br />

thermodynamiques. Selon l’historienne Sharon Kingsland, le mathématicien<br />

Volterra, qui développa indépendamment les équations différentielles de systèmes<br />

proies-prédateur, « considérait son analyse comme une part intégrale<br />

de la biologie évolutive, un essai pour rechercher suivant une perspective<br />

mathématique les interactions quotidiennes entre les organismes ; il le concevait<br />

comme un premier pas en vue d’une théorie générale et entièrement<br />

mathématique de l’évolution 25 ».<br />

Mais il fallut attendre les années 1980 pour que ces considérations soient<br />

analysées d’un point de vue philosophique. Dans une étude très détaillée de<br />

la structure de la théorie néodarwinienne, Elliott Sober 26 établit une distinction<br />

fondamentale entre les « lois-sources » et les « lois-conséquences » de<br />

l’évolution : ces dernières expliquent les effets des différences de fitness individuelles<br />

en termes de probabilités de diffusion des allèles dans la population et<br />

de dynamique temporelle des formes alléliques ; ce sont celles qu’on nomme<br />

couramment les « lois de l’évolution ». À l’opposé, les lois-sources témoignent<br />

sans ambiguïté de leur nature écologique : ce sont elles qui expliquent l’origine<br />

22. L’ontogenèse désigne l’ensemble du développement de l’organisme depuis la fécondation<br />

jusqu’à la maturité.<br />

23. Lotka (1925), Elements of Physical Biology, Williams and Wilkins @.<br />

24. Sur l’évolutionnisme de Spencer, cf. Clavien et Ravat, ce volume. (Ndd.)<br />

25. Kingsland (1995), Modeling Nature, University of Chicago Press @.<br />

26. Sober (1984), The Nature of Selection, University of Chicago Press.

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