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Les mondes darwiniens

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[jérôm e r avat / m o r a l e darwi n i e n n e et d a r w i n i s m e m o r a l]<br />

parentale et filiale, acquerrait inévitablement un sens moral ou conscience dès<br />

que ses capacités intellectuelles se seraient développées au même point, ou<br />

presque, que l’homme » (LFH, p. 184). Pourtant, le paradoxe n’est qu’apparent.<br />

<strong>Les</strong> propos de Darwin se situent en fait dans la droite lignée de ses analyses<br />

sur les facultés mentales des autres animaux. Pour qu’il y ait sens moral, en<br />

effet, il est nécessaire que certaines capacités intellectuelles (imitation, raisonnement)<br />

et que certains instincts sociaux soient présents. En ce sens, d’autres<br />

animaux pourraient bel et bien acquérir un sens moral. Mais cela ne signifie<br />

aucunement, Darwin y insiste, que ce sens moral serait identique à celui de<br />

l’homme. Darwin, sur ce point, est limpide : « Il peut être bon d’affirmer que<br />

je ne souhaite pas soutenir l’idée que tout animal strictement social, si ses<br />

facultés intellectuelles devaient devenir aussi actives et aussi hautement développées<br />

que chez l’homme, acquerrait le même sens moral que le nôtre » (LFH,<br />

p. 185). L’homme est donc, de fait, le seul être véritablement moral. Et même<br />

si un autre être pourvu de qualités similaires à notre moralité devait exister,<br />

il serait éminemment dissemblable de l’être humain.<br />

Le sens moral, si l’on suit le texte darwinien, semble donc bien constituer<br />

ce qui différencie le plus l’homme des autres animaux. Dans quelle mesure<br />

la moralité permet-elle de circonscrire le propre de l’homme ? Quelles sont<br />

les caractéristiques que l’homme possède et qui semblent faire défaut aux<br />

autres animaux ? Si l’on admet une ascendance commune entre l’homme<br />

et les singes, comment expliquer le fait que l’homme possède des capacités<br />

morales grandement différentes de celles des autres animaux, même ceux<br />

avec qui il est étroitement apparenté ? Selon Darwin, c’est avant tout grâce<br />

au développement de ses facultés mentales que l’homme se distingue des<br />

autres animaux.<br />

Plus précisément, un trait fondamental, caractérisant uniquement l’espèce<br />

humaine, permet de différencier celle-ci des autres espèces : la réflexivité. De<br />

toutes les créatures, affirme Darwin, l’homme est le seul à même d’octroyer<br />

un sens à ses propres actions, le seul à pouvoir leur conférer rétrospectivement<br />

une valeur. Et cette capacité, cruciale dans l’élaboration du sens moral,<br />

constitue une différence d’envergure entre l’homme et les animaux. Ainsi,<br />

l’émergence de la conscience représente une étape fondamentale dans la<br />

genèse de la morale. En effet, la conscience joue un rôle décisif à plusieurs<br />

titres : elle renforce les instincts sociaux, permet de faire naître des devoirs<br />

moraux, et favorise, entre autres, la planification de l’action morale. En ce sens,<br />

il existe bel et bien une différence fondamentale entre l’homme et les autres

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