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Les bamakois diplômés de Paris

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« Nous étions riches. Papa était diplomate, tu le sais, il ramenait l’argent.<br />

Maman, elle, s’occupait <strong>de</strong>s relations, <strong>de</strong> les gar<strong>de</strong>r. C’est pour ça qu’à la<br />

maison il y avait toujours du mon<strong>de</strong> à manger, toujours <strong>de</strong>s gens<br />

importants. C’était chez nous que l’on voyait <strong>de</strong>s hommes politiques, <strong>de</strong>s<br />

blancs… On avait une réputation. C’est comme ça que ça marchait. »<br />

Ibrahim.<br />

La mère d’Ibrahim et <strong>de</strong> Mamadou agit aussi sur le <strong>de</strong>hors en s’occupant « <strong>de</strong>s<br />

relations, <strong>de</strong> les gar<strong>de</strong>r ». Pour le père, la maison est davantage un lieu d’où l’on sort.<br />

L’homme responsable est celui qui « ramène l’argent », qui enjambe le seuil <strong>de</strong> la<br />

maison pour se confronter au mon<strong>de</strong> extérieur. À Bamako, il existe une activité très<br />

largement masculine qui marque la transition entre l’espace <strong>de</strong> la maison et<br />

l’extérieur : le « grin ».<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

[Bamako, le 6.12.2007] On ne peut pas être <strong>de</strong>hors sans apercevoir, dans<br />

chaque rue, <strong>de</strong>s groupes d’hommes, assis à l’ombre, discutant, riant, se<br />

disputant, saluant les passants, à la fois acteurs et observateurs <strong>de</strong> la rue, <strong>de</strong><br />

leur rue. Ils « causent » comme on dit ici, ils sont au grin.<br />

<strong>Les</strong> « grins » ou « causeries » s’organisent autour du thé et dans la rue, presque<br />

toujours <strong>de</strong>vant le domicile familial <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong>s « causeurs ». La rue, c’est le mon<strong>de</strong><br />

public, celui où l’on se donne à voir, soumis au regard <strong>de</strong>s autres. On y « cause »,<br />

faisant <strong>de</strong> la parole une fonction essentielle <strong>de</strong> cette pratique. On parle pour le plaisir<br />

et pour décharger <strong>de</strong>s tensions. Il est question d’actualités, <strong>de</strong> filles, d’anecdotes, on<br />

se raconte aussi, on parle <strong>de</strong>s soucis au travail ou en famille, on cherche <strong>de</strong>s solutions,<br />

on se met à distance. C’est là, aussi, que l’on s’initie au mon<strong>de</strong> extérieur, que l’on<br />

apprend à <strong>de</strong>venir un homme :<br />

« Mais c’est une tradition au Mali <strong>de</strong> prendre du thé à la porte <strong>de</strong> sa maison.<br />

Ça, si tu ne le prends pas, on va te traiter <strong>de</strong> femmelette ! [rires] Parce qu’en<br />

fait, le thé, c’est quelque chose <strong>de</strong> viril, c’est-à-dire que c’est les hommes qui<br />

prennent le thé. Ah, tu ne prends pas <strong>de</strong> thé Bon donnez lui du “ lipton 1 “<br />

[rires]. Ça, le lipton, c’est fait pour les femmes. Et il y a <strong>de</strong>s femmes aussi qui<br />

prennent du thé, et on dit d’elles qu’elles sont braves. Là, c’est un signe <strong>de</strong><br />

reconnaissance, <strong>de</strong> virilité. Un jeune garçon, adulte, je dis pas les enfants,<br />

1 Le Lipton est une marque <strong>de</strong> thé.<br />

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