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Les bamakois diplômés de Paris

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On pourrait, à la manière <strong>de</strong>s écrivains <strong>de</strong> la négritu<strong>de</strong>, remonter à la situation<br />

coloniale et soutenir que « tout peuple colonisé - c'est-à-dire tout peuple au sein<br />

duquel a pris naissance un complexe d’infériorité, du fait <strong>de</strong> la mise au tombeau <strong>de</strong><br />

l’originalité culturelle locale - se situe vis-à-vis du langage <strong>de</strong> la nation civilisatrice 1 ».<br />

Il ne fait aucun doute que la colonisation a profondément marqué les sociétés<br />

africaines. La question coloniale et celle <strong>de</strong> ses effets n’ont certainement pas été<br />

épuisées, notamment en ce qui concerne le rapport entre les Africains et les<br />

Occi<strong>de</strong>ntaux. Devant les élèves <strong>de</strong> l’école Moribougou, Seydou Badian Kouyaté<br />

déclarait à ce propos :<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Étudiants en France, nous pensions que nous <strong>de</strong>vions libérer notre pays.<br />

On était à l’école avec les Blancs et on s’est rendu compte que les Blancs<br />

faisaient <strong>de</strong>s fautes comme nous, ils se trompaient, ils apprenaient, comme<br />

nous. Et nous avons jugé le système colonial injuste. » Seydou Badian<br />

Kouyaté 2 .<br />

Mais aujourd’hui, la pratique <strong>de</strong> la langue française à Bamako ne peut plus être<br />

considérée comme une façon <strong>de</strong> se positionner face au « Blanc » ; du moins, cet axe<br />

d’interprétation doit être relégué au second plan.<br />

Il faut avoir à l’esprit que mes interlocuteurs sont une <strong>de</strong>s premières générations<br />

à ne pas avoir vécu la colonisation. Pour certains d’entre eux, « c’est <strong>de</strong> l’histoire<br />

ancienne » (Mamadou), « il faut passer à autre chose » (Yaya). Nés après<br />

l’indépendance du Mali (1960), les enquêtés ont nécessairement un rapport « aux<br />

blancs » et à la « langue <strong>de</strong>s blancs » qui n’est déjà plus celui <strong>de</strong> leurs parents.<br />

Cela dit, la ville <strong>de</strong> Bamako s’est faite avec la langue française 3 . En s’imposant<br />

progressivement comme une norme <strong>de</strong> la communication, elle est <strong>de</strong>venue une<br />

composante essentielle du mon<strong>de</strong> <strong>bamakois</strong>. Parce qu’elle est la langue du secteur<br />

tertiaire, <strong>de</strong> l’administration, <strong>de</strong> l’État, parce qu’elle est aussi la condition d’accès à<br />

une certaine légitimité sociale, elle est une compétence qui facilite l’intégration dans<br />

la ville. La langue française n’a donc <strong>de</strong> valeur que parce qu’il existe un marché pour<br />

1 Op.cit., Fanon, 1952, p. 14.<br />

2 Conférence donnée par Seydou Badian Kouyaté à l’école Moribougou. Extrait du journal <strong>de</strong> terrain, le<br />

6.12.2007 .<br />

3 Robert Vuarin a montré que la ville <strong>de</strong> Bamako a commencé son expansion géographique et son<br />

accroissement démographique avec l’arrivée <strong>de</strong>s colons en 1898. Op.cit., Vuarin, 1991, pp. 23-43.<br />

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