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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

personnes rencontrées) ne laisse finalement que peu <strong>de</strong> place pour la construction<br />

d’une i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> travail sur le long terme dans un seul et même métier. Elle<br />

s’accompagne – comme ce fût le cas pour d’autres enquêtés – « d’une profon<strong>de</strong><br />

indécision quant à la définition d’une carrière professionnelle 1 ».<br />

« Faire carrière », justement, voilà une expression courante qui perd <strong>de</strong> sa<br />

signification quand on n’accè<strong>de</strong> pas à la stabilité <strong>de</strong> l’emploi et quand on multiplie les<br />

expériences <strong>de</strong> travail parfois sans rapports les unes avec les autres. C’est pourtant<br />

une expression qui, durant la jeunesse <strong>de</strong>s enquêtés à Bamako, reflétait l’itinéraire<br />

professionnel <strong>de</strong> leurs parents ; à l’image du père <strong>de</strong> Demba qui « a été avocat toute<br />

sa vie ». Pour mes interlocuteurs, la précarité d’emploi entraîne nécessairement une<br />

redéfinition du modèle d’intégration professionnel qui avait été suivi par la<br />

génération <strong>de</strong> leurs ascendants.<br />

Or, ce décalage entre les conditions d’emplois <strong>de</strong>s parents à Bamako (position<br />

bien intégrée sur le marché du travail) et celles <strong>de</strong> leurs enfants en France (marquées<br />

par l’intermittence) fait que l’on parler d’un déclassement à la fois générationnel et<br />

professionnel.<br />

Enfin, lorsque Demba évoque la possibilité d’un changement soudain <strong>de</strong><br />

condition économique (« à chaque moment tu peux être riche ou pauvre »), on ne<br />

peut pas douter que ce basculement renvoie à sa biographie et qu’il désigne le passage<br />

<strong>de</strong> la société malienne à la société française. « Riche ou pauvre », il faut en réalité<br />

entendre : riche à Bamako, pauvre à <strong>Paris</strong>. « La vie au Mali Ce n’est plus qu’un<br />

souvenir » me déclarait à ce propos Issa en se remémorant les années <strong>de</strong> son enfance<br />

et <strong>de</strong> sa jeunesse.<br />

C. Avoir une situation<br />

« Tu es mé<strong>de</strong>cin, tu es pharmacien, tu es ingénieur, cela veut dire que tu<br />

appartiens déjà à un rang, à une classe sociale. Tu ne dois pas être vu dans<br />

telle chose, tu ne dois plus faire telle connerie, tu dois être l’image idéale<br />

même du quartier. Chez nous, [à Bamako], c’est comme ça.» Papus.<br />

<strong>Les</strong> métiers cités par Papus sont ceux qu’exercent les pères <strong>de</strong>s enquêtés à<br />

Bamako et qui entrent dans la catégorie <strong>de</strong>s professions libérales. Et l’on se souvient<br />

que la plupart <strong>de</strong> ces métiers, en France, sont réservés aux nationaux, soumis à la<br />

1 Jean-Philppe Dedieu, « L’intégration <strong>de</strong>s avocats africains dans les barreaux français », Droit et<br />

Société, n°56-57, 2004, p. 219.<br />

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