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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

sociales. C’est dans et par l’interaction avec les autres que mes interlocuteurs<br />

construisent leur vision du mon<strong>de</strong> et s’approprient les normes et les valeurs <strong>de</strong> la<br />

société française.<br />

Richard Hoggart écrit que « la plupart <strong>de</strong>s groupes sociaux doivent l’essentiel <strong>de</strong><br />

leur cohésion à leur pouvoir d’exclusion, c’est-à-dire au sentiment attaché à ceux qui<br />

ne sont pas “nous“ 1 ». C’est précisément ce « nous » que j’ai tenté <strong>de</strong> définir ici tout en<br />

m’attachant à saisir ce qui, pour les enquêtés, relève du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s « autres ». Il reste<br />

à appréhen<strong>de</strong>r la manière dont s’organise cette relation, à saisir les éléments à partir<br />

<strong>de</strong>squels se forme et se transforme la frontière entre les Bamakois diplômés et les<br />

« accueillants ».<br />

Le mot « accueillant » recouvre ici <strong>de</strong>ux sens. Premièrement, il désigne les<br />

personnes – migrantes ou non – avec lesquelles les enquêtés entrent en relation<br />

durant leur expérience d’immigration et qui se distinguent d’eux par leur ancienneté<br />

d’installation en France (un voisin, un employeur, un collègue <strong>de</strong> travail, un oncle, un<br />

cousin, un ami, etc.).<br />

Deuxièmement, le mot « accueillant» renvoie aux catégories sociales auxquelles<br />

mes interlocuteurs se réfèrent pour se différencier <strong>de</strong>s autres groupes sociaux et pour<br />

construire leur i<strong>de</strong>ntité. Noirs/Blancs, Africains/Occi<strong>de</strong>ntaux, Maliens/Français,<br />

étrangers/nationaux, Bamakois/villageois, diplômés/non-diplômés, etc., ces<br />

catégories d’opposition – parmi d’autres - apparaissent <strong>de</strong> façon récurrente dans les<br />

discours <strong>de</strong>s enquêtés. Comme le souligne Fredrik Barth, elles « ne sont pas la<br />

somme <strong>de</strong>s différences “objectives“ mais seulement [celles] que les acteurs euxmêmes<br />

considèrent comme significati[ves] 2 ». Imposées <strong>de</strong> l’extérieur ou<br />

revendiquées, acceptées ou refusées, ces catégories disent quelque chose <strong>de</strong> la<br />

subjectivité <strong>de</strong>s enquêtés, <strong>de</strong> leurs principes <strong>de</strong> vision et <strong>de</strong> division du mon<strong>de</strong>. Elles<br />

doivent <strong>de</strong> ce fait, et comme je l’ai dit plus haut, avoir leur place dans l’analyse.<br />

Par ailleurs, il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit que les enquêtés sont porteurs <strong>de</strong> schèmes<br />

d’action et <strong>de</strong> représentation qui sont le résultat <strong>de</strong> leur socialisation à Bamako. Il est<br />

donc important <strong>de</strong> comprendre comment les personnages <strong>de</strong> l’enquête, au regard <strong>de</strong><br />

leur capital pré-migratoire, cherchent à produire <strong>de</strong>s rapports sociaux qui sont la<br />

1 Richard Hoggart, La culture du pauvre, <strong>Paris</strong>, Minuit, [1957], 1998, p 117.<br />

2 Fredrik Barth, « <strong>Les</strong> groupes ethniques et leurs frontières », in Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-<br />

Feinart, Théories <strong>de</strong> l’ethnicité, <strong>Paris</strong>, PUF, 1995, pp. 211-212.<br />

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