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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

d’emploi par l’effet <strong>de</strong>s pratiques administratives. Elle peut être aussi un recours<br />

nécessaire quand on doit impérativement assurer les moyens <strong>de</strong> son existence.<br />

Pour mon interlocuteur, cette courte expérience <strong>de</strong> travail par emprunt<br />

d’i<strong>de</strong>ntité est éprouvante. Elle est vécue avec le risque constant d’être découvert et <strong>de</strong><br />

tout perdre, ce qui explique son sentiment <strong>de</strong> malaise, sa peur <strong>de</strong> mal faire ou encore<br />

son application à faire « exactement » ce qu’on lui dit.<br />

Travailler sous un autre nom induit une plus gran<strong>de</strong> vulnérabilité dont certains<br />

éléments sont passés sous silence par Mamadou : l’impossibilité <strong>de</strong> percevoir le<br />

salaire <strong>de</strong> son travail sans l’intermédiaire <strong>de</strong> celui qu’il remplace, l’impossibilité <strong>de</strong><br />

bénéficier <strong>de</strong>s protections sociales associées au salariat (droits d’assurance chômage<br />

ou droits à la retraite par exemple). De plus, cette mise sous tutelle peut avoir un prix<br />

comme me l’ont révélé plusieurs enquêtés. Soumis au chantage, certains ont du<br />

verser au prêteur d’i<strong>de</strong>ntité une commission qui varie entre dix et trente pourcents du<br />

salaire mensuel. Mamadou n’aura pas à payer les services rendus, du moins il ne me<br />

le confiera jamais.<br />

Cet épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> la biographie professionnelle <strong>de</strong> mon interlocuteur met en<br />

exergue le lien étroit entre la situation juridique <strong>de</strong> l’étranger et sa situation <strong>de</strong><br />

travail. Et l’on retiendra ici que les autorités préfectorales ont leur part <strong>de</strong><br />

responsabilité dans les mécanismes <strong>de</strong> production du travail illégal. « Loin d’être les<br />

frau<strong>de</strong>urs si souvent dénoncés – écrivent en ce sens Giulia Hersenstein et Alexis<br />

Spire, les étrangers contraints <strong>de</strong> vivre sous l’i<strong>de</strong>ntité d’un autre […] sont en fait les<br />

victimes d’un système dans lequel […] les irrégularités en matière <strong>de</strong> situation<br />

administrative empêchent <strong>de</strong> faire valoir ses droits fondamentaux et entravent l’accès<br />

au marché légal du travail 1 ».<br />

Être en marge <strong>de</strong> la loi par nécessité précarise les conditions <strong>de</strong> travail. Cette<br />

situation exige une extrême pru<strong>de</strong>nce et implique une mise sous pression très forte<br />

pour le travailleur « clan<strong>de</strong>stin ». Tel a été le quotidien professionnel <strong>de</strong> Mamadou<br />

durant ces trois mois. Et comme nous le verrons, le rapport entre travail et droit<br />

<strong>de</strong>meurera sous-jacent à son expérience migratoire.<br />

1 Giulia Hersenstein et Alexis Spire, « Vivre avec l’i<strong>de</strong>ntité d’un autre », Plein Droit, n°85, Juin 2010.<br />

Url : http://www.gisti.org/spip.phparticle1969 [consulté le 9.12.11].<br />

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