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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

anglaise <strong>de</strong>s années 60 1 . <strong>Les</strong> auteurs fon<strong>de</strong>nt leur analyse sur une distinction <strong>de</strong>venue<br />

classique en sociologie : celle qui sépare les « établis » <strong>de</strong>s « outsi<strong>de</strong>rs », les anciens<br />

<strong>de</strong>s nouveaux arrivants. Ici, il semble bien que l’ancienneté d’installation est<br />

pertinente pour comprendre le rapport d’opposition entre les migrants ruraux<br />

soninkés (les établis) et certaines catégories <strong>de</strong> la population africaine installées plus<br />

récemment à <strong>Paris</strong> (les outsi<strong>de</strong>rs), en particulier celles qui sont diplômées et d’origine<br />

urbaine.<br />

Par exemple, Norbert Elias et John L. Scotson écrivent que « les membres <strong>de</strong>s<br />

groupes qui en terme <strong>de</strong> pouvoir, sont plus forts que d’autres groupes<br />

interdépendants s’imaginent, humainement, meilleurs que les autres 2 ». Lorsque<br />

Zoumana observe que les ruraux soninkés excluent « ceux qui ne sont pas <strong>de</strong>s leurs »<br />

(lui faisant dire, par ailleurs, qu’ils sont « racistes ») et lorsqu’Ibrahim énonce<br />

clairement un a priori négatif sur cette frange <strong>de</strong> la population migrante africaine<br />

(jugeant leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie « inférieur » à ceux <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie urbains d’Afrique<br />

subsaharienne et <strong>de</strong> la société française), on peut dire que la formule <strong>de</strong> Norbert Elias<br />

et <strong>de</strong> John L. Scotson – les uns se pensent meilleurs que les autres - dit quelque<br />

chose <strong>de</strong> la relation entre <strong>de</strong>ux « groupes » <strong>de</strong> migrants africains constitués à <strong>de</strong>s<br />

temps différents <strong>de</strong> l’histoire <strong>de</strong> l’immigration à <strong>Paris</strong>.<br />

Tout ceci m’amène à formuler une hypothèse. Si, comme le soutiennent<br />

plusieurs enquêtés, les ruraux soninkés mettent en œuvre une logique d’exclusion, on<br />

peut supposer que celle-ci ne se limite pas à l’accès aux foyers et qu’elle s’étend à<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s ressources économiques et sociales dont disposent les différents<br />

réseaux soninkés. Pour dire les choses clairement, je suppose que les membres <strong>de</strong> ces<br />

réseaux favorisent aussi l’insertion professionnelle <strong>de</strong>s nouveaux arrivants originaires<br />

d’un même village. <strong>Les</strong> propos <strong>de</strong> Souleymane 3 , Soninké d’origine rurale et résidant<br />

dans un foyer du XVe arrondissement <strong>de</strong> <strong>Paris</strong>, témoignent en ce sens :<br />

« Quand on arrive au foyer, il y a tout <strong>de</strong> suite un cousin ou un frère qui est<br />

du même village que toi et qui nous ai<strong>de</strong> à trouver du boulot. Si on a pas les<br />

papiers, il y a quelqu'un qui nous prête les siens pour qu'on puisse trouver<br />

du travail. [...] Ça se fait beaucoup, beaucoup, beaucoup... […] C’est pour ça<br />

que je ne me suis jamais trouvé en galère <strong>de</strong> boulot. […] Nous, on se<br />

1 Norbert Elias et John L. Scotson, Logiques <strong>de</strong> l’exclusion, <strong>Paris</strong>, Fayard, [1965], 1997.<br />

2 Ibid., p.34.<br />

3 Propos recueillis durant un entretien réalisé en 2004 au début <strong>de</strong> mes recherches à propos <strong>de</strong>s<br />

migrants africains résidant à <strong>Paris</strong>.<br />

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