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Les bamakois diplômés de Paris

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dit-il en appuyant lentement mais fermement son poing sur sa poitrine.»<br />

Zoumana 1 .<br />

L’immigration n’efface pas vingt ou trente ans <strong>de</strong> socialisation à Bamako. D’un<br />

côté, l’autonomie est perçue comme une porte d’accès à l’individualité positive et un<br />

moyen <strong>de</strong> se délivrer <strong>de</strong> la précarité en France. De l’autre côté, elle est une condition à<br />

remplir pour pouvoir être actif dans le circuit <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte intergénérationnelle au Mali.<br />

Pour dire les choses simplement, être autonome, c’est être capable <strong>de</strong> répondre<br />

simultanément aux normes sociales <strong>de</strong>s sociétés d’immigration et d’émigration.<br />

∻<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

À l’évi<strong>de</strong>nce, l’acte migratoire est un évènement dans la vie <strong>de</strong>s enquêtés.<br />

Comme je l’ai dit au cours <strong>de</strong> ce chapitre, il marque une rupture entre un « avant » et<br />

un « après », une rupture dans leurs conditions sociales et matérielles <strong>de</strong> vie. Mais à<br />

travers la question <strong>de</strong> l’autonomie, on a pu observer que l’acte migratoire est aussi<br />

perçu par mes interlocuteurs comme le symbole <strong>de</strong> l’émancipation individuelle. Il<br />

n’est donc pas seulement vécu comme une rupture avec l’ancien, mais aussi comme<br />

un passage obligé pour pouvoir se construire en tant qu’individu.<br />

Cette <strong>de</strong>rnière remarque encourage à utiliser conjointement les termes <strong>de</strong><br />

« rupture » et « passage » pour comprendre le travail <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> socialisation <strong>de</strong>s<br />

enquêtés. Il s’agit à la fois <strong>de</strong> se réinsérer dans un réseau stable <strong>de</strong> relations et<br />

d’échapper à la précarité en parvenant à l’autonomie. Cette dualité <strong>de</strong>s objectifs est au<br />

cœur <strong>de</strong> leur expérience d’immigration.<br />

La gran<strong>de</strong> problématique <strong>de</strong>s enquêtés se trouve ainsi résumée dans la<br />

définition que donne François Dubet <strong>de</strong> l’autonomie : « c’est le pouvoir d’être à<br />

l’origine <strong>de</strong> son action tout en vivant avec les autres 2 ».Pour l’heure, ce pouvoir n’est<br />

pas tenu pour acquis. La question est donc <strong>de</strong> savoir comment les enquêtés vont<br />

« bricoler » avec et dans les conditions d’immigration qui sont les leurs, afin <strong>de</strong><br />

répondre « positivement » à leurs aspirations ainsi qu’aux exigences <strong>de</strong> la situation<br />

présente.<br />

1 Zoumana, originaire <strong>de</strong> Bamako, m’a été présenté en 2005 par Mamadou. Nous avons réalisé un<br />

entretien la même année. Depuis, nous nous croisons occasionnellement, lors d’évènements<br />

(anniversaire, mariage, baptême). Ces propos ont été recueillis au cours d’une discussion informelle le<br />

6 novembre 2011 lors <strong>de</strong> la fête <strong>de</strong> Tabaski organisée par Ibrahim à Montereau (voir portrait<br />

d’Ibrahim, p. 34.)<br />

2 François Dubet, Le travail <strong>de</strong>s sociétés, <strong>Paris</strong>, Seuil, 2009, p.210.<br />

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