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Les bamakois diplômés de Paris

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qu’elle représente pour les candidats à la migration, prend le plus souvent une forme<br />

opposée à la société malienne 1 .<br />

« Pour avoir le pain quotidien, il faut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r par-ci, par-là, au tonton, à<br />

la tante, aux parents. J’ai vu comme quoi mon âge passait alors que j’avais<br />

besoin d’indépendance. Je ne voulais plus vivre en Afrique aux crochets <strong>de</strong><br />

mes parents. Voilà, la France, c’est d’être indépendant surtout. Avant tout,<br />

c’était ça : faire ma vie. » Yaya.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« En fait, je voulais me prouver à moi-même que je pouvais m’en sortir.<br />

Parce que nous, la vie <strong>de</strong> famille, c’est pas comme ici, tu vois… Par exemple<br />

ici [à <strong>Paris</strong>] dès 18, 19 ans, tu es plutôt indépendant. Et puis je me suis dit<br />

que mes parents, ils en avaient fait assez pour moi. Moi, je suis resté chez<br />

mes parents jusqu’à 25 ans, même plus, jusqu’à 28 ans. J’étais accroché, je<br />

faisais mes étu<strong>de</strong>s, après j’ai travaillé, après <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chômage… Je<br />

me suis dit que quand tu vois que les jeunes en France se débrouillent très<br />

jeunes, 18, 20 ans… Tu te dis que tu veux faire pareil. Je ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>rai rien<br />

à mes parents et je ne retournerai pas. Je préfère me débrouiller moi-même,<br />

avoir moi-même. » Mamadou.<br />

L’ « indépendance » est sans aucun doute le premier mot que les enquêtés ont<br />

associé à la France. Il s’agit <strong>de</strong> se défaire d’une prise en charge familiale prolongée<br />

par les étu<strong>de</strong>s supérieures et par une intégration professionnelle déficiente. Dans<br />

leurs imaginaires, la société française renvoie bien souvent à une société où l’individu<br />

se trouve « très jeune » en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> toute responsabilité collective, <strong>de</strong> tout <strong>de</strong>voir<br />

envers sa famille. Pour le dire autrement, on oppose la force <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong><br />

dépendance au Mali à la neutralité supposée <strong>de</strong>s rapports prévalant en France :<br />

« Chez vous c’est “chacun pour soi“, personne ne s’occupe <strong>de</strong> personne. Nous<br />

les Africains, on ne connaît pas le mot “moi“. » Ladji.<br />

Desserrer les contraintes familiales et sortir <strong>de</strong> la dépendance statutaire est un<br />

motif important <strong>de</strong> la migration <strong>de</strong> mes interlocuteurs. Mais cette conquête <strong>de</strong><br />

l’autonomie, celle que l’on choisie <strong>de</strong> mener en France, n’est pas pour autant<br />

synonyme <strong>de</strong> désaffiliation. Comme le souligne Norbert Elias, « l’interdépendance<br />

1<br />

Cela va dans le sens <strong>de</strong>s analyses d’Ab<strong>de</strong>lmalek Sayad à propos <strong>de</strong> la migration algérienne : « qu’elle<br />

soit présentée comme le strict opposé du pays natal […] ou, au contraire, comme son équivalent, au<br />

moins par certains <strong>de</strong> ces aspects, la France est, chaque fois, caractérisée par une série d’attributs, qui<br />

constitue la série antithétique qui s’appliquerait au pays natal, un ensemble d’oppositions,<br />

homologues». Op.cit., Sayad, 1999, p. 49.<br />

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