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Les bamakois diplômés de Paris

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colocation mais aussi, et peut-être avant tout, cette rémunération lui permet<br />

d’enclencher la mécanique <strong>de</strong>s transferts financiers :<br />

« Avec ce travail là, j’ai commencé à envoyé <strong>de</strong> l’argent au pays, à la famille<br />

qui est restée là-bas. Chaque mois, on réunissait avec mes frères entre cinq<br />

et six-cents euros, qu’on envoyait aux parents.»<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

<strong>Les</strong> implications socioéconomiques <strong>de</strong>s transferts d’argent sont nombreuses et<br />

seront analysées plus en détail dans la section 3. <strong>de</strong> ce chapitre. Pour l’heure,<br />

remarquons simplement qu’Ibrahim se rapproche <strong>de</strong> certains <strong>de</strong> ses objectifs : celui<br />

d’être actif dans le circuit <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte intergénérationnelle (ce qui, au Mali, signifie<br />

l’accomplissement du rite <strong>de</strong> passage vers l’âge adulte) et celui <strong>de</strong> s’éloigner <strong>de</strong> la<br />

précarité <strong>de</strong>s premiers mois <strong>de</strong> son installation en France.<br />

Dix mois se déroulent ainsi, dix mois durant lesquels Ibrahim tient le rythme<br />

imposé par sa double activité. Mais au cours <strong>de</strong> l’année 2005, sa mère tombe<br />

gravement mala<strong>de</strong>. Cet évènement bouleverse l’ordre <strong>de</strong> ses priorités.<br />

« C’est là que tout à commencé […]. On m’appelait du bled pour me dire<br />

que ca va pas du tout, il faut envoyer ça et ça, payer l’hôpital... Il fallait<br />

envoyer <strong>de</strong>s produits donc… On s’y est tous mis avec mes frères […]. Et puis<br />

je me suis dit, autant que je me mette dans le travail à fond, payer tout ce<br />

qu’il faut lui envoyer et puis les étu<strong>de</strong>s, on verra après […] Maman, elle<br />

tenait beaucoup, que Dieu ait pitié <strong>de</strong> son âme, à ce que les étu<strong>de</strong>s que j’ai<br />

faites, les étu<strong>de</strong>s qu’elle m’a vraiment poussées à faire, puissent me<br />

permettre <strong>de</strong> faire une fonction égale à mes diplômes. Donc je ne pouvais<br />

pas me voir agent d’accueil avec un doctorat <strong>de</strong> pharmacie. 1 »<br />

Pour la fratrie D. installée en France 2 , la prise en charge <strong>de</strong>s soins (envoi <strong>de</strong><br />

médicaments, frais d’hospitalisation) accentue le poids <strong>de</strong>s transferts financiers vers<br />

Bamako. Pour Ibrahim, cette contrainte supplémentaire ravive une problématique<br />

ancienne qui avait déjà été formulée à Bamako : celle <strong>de</strong> l’adéquation <strong>de</strong> la formation<br />

et <strong>de</strong> l’emploi. Il s’agit alors <strong>de</strong> se défaire d’un statut socioprofessionnel jugé<br />

dévalorisant non seulement par Ibrahim lui-même mais aussi par son entourage ; car<br />

1 <strong>Les</strong> propos tenus ici par Ibrahim ont été enregistrés le 19 mai 2007 quelques mois après le décès <strong>de</strong><br />

sa mère.<br />

2 Six <strong>de</strong>s huit enfants <strong>de</strong> la famille D. sont installés en France : les frères triplés Daouda, Ibrahim et<br />

Mamadou (les ainés) ainsi que Samba et Mary (les ca<strong>de</strong>ts) vivent à <strong>Paris</strong> ou en banlieue parisienne.<br />

Leur sœur aînée vit dans le Nord <strong>de</strong> la France, à Lille. Enfin, les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rniers membres <strong>de</strong> la fratrie<br />

vivent respectivement au Mali (à Bamako) et sur l’île <strong>de</strong> la Réunion.<br />

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