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Les bamakois diplômés de Paris

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Entretiens biographiques 1<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Mon intention a été d’établir une grille d’entretien permettant <strong>de</strong> rendre<br />

compte <strong>de</strong> l’itinéraire migratoire <strong>de</strong>s enquêtés à travers leurs discours.<br />

Dans cette optique, les entretiens ont été menés selon une chronologie en<br />

quatre temps : le passé pré-migratoire, l’arrivée en France, les premiers mois <strong>de</strong><br />

l’installation, et la vie quotidienne au présent. Ces temps biographiques sont <strong>de</strong>s<br />

« balises temporelles », <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> repère qui permettent <strong>de</strong> savoir « où on en<br />

est », tant pour l’enquêteur que pour l’enquêté.<br />

À chaque temps biographique évoqué s’est ajouté un ensemble <strong>de</strong> thèmes - tels<br />

que le rapport au travail, les relations familiales ou les pratiques du quotidien<br />

(manière <strong>de</strong> manger, pratique <strong>de</strong> la langue française ou d’origine, etc.) - qui,<br />

souvent, ont été à l’initiative <strong>de</strong> mes interlocuteurs.<br />

Mon rôle s’est, le plus souvent, borné à relancer le discours. <strong>Les</strong> « ah bon »,<br />

« bien sûr », « et… », « continue… », ainsi que tout autre signe verbal ou corporel<br />

approbateur (sourires, hochements <strong>de</strong> têtes, etc.), ont constitué une part importante<br />

<strong>de</strong> mon discours et <strong>de</strong> ma manière d’être en entretien. À cette technique d’incitation<br />

à la parole s’est ajoutée une technique <strong>de</strong> compréhension qui consistait à reformuler<br />

les points <strong>de</strong> vue exprimés, cela pour témoigner <strong>de</strong> l’attention que je portais aux<br />

propos qui m’étaient rapportés.<br />

Avec une structure d’entretien minimale et une posture qui se voulait<br />

compréhensive, l’objectif était <strong>de</strong> « faire parler », <strong>de</strong> créer une situation d’écoute qui<br />

laisse le temps aux enquêtés <strong>de</strong> se raconter et d’exprimer leurs points <strong>de</strong> vue.<br />

La relation d’enquête se caractérise par la mise en présence <strong>de</strong> schèmes<br />

interprétatifs différents qui instaure une frontière symbolique entre le chercheur et<br />

ses interlocuteurs. Ainsi ai-je souvent été assigné aux catégories « Français »,<br />

« étudiant », « blanc » avec ce qu’elles pouvaient impliquer symboliquement. De mon<br />

côté, j’avais ma propre grille <strong>de</strong> perception : « Africains », « Maliens », « migrants »,<br />

« noirs », etc. Cette asymétrie dans la manière <strong>de</strong> se percevoir pose la question -<br />

<strong>de</strong>venue classique dans les travaux ethnographiques - du « paradoxe <strong>de</strong><br />

l’observateur 2 » : « pour étudier un groupe, il faut l’observer, mais l’observer c’est le<br />

perturber 3 ». C’est pourquoi Olivier Schwartz insiste sur l’inévitable « impureté» <strong>de</strong>s<br />

matériaux récoltés. L’ethnographie ne peut être ni totale – car elle est renvoyée à la<br />

1 L’in<strong>de</strong>xation <strong>de</strong>s entretiens est proposée en annexe 1 <strong>de</strong> ce travail (cf. pp. 407-409)<br />

2 William Labov, Sociolinguistique, <strong>Paris</strong>, Minuit, [1972], 1976.<br />

3 Olivier Schwartz, « L’empirisme irréductible », postface Nels An<strong>de</strong>rson, Le hobo, sociologie du sansabri,<br />

<strong>Paris</strong>, Nathan, Essais et recherches, [1923], 1993, p. 271.<br />

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