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Les bamakois diplômés de Paris

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glissement dans l’espace <strong>de</strong>s représentations : les étu<strong>de</strong>s, ne garantissant plus l’accès<br />

aux emplois stables du mon<strong>de</strong> salarié, sont <strong>de</strong> plus en plus perçues comme une voie<br />

<strong>de</strong> garage pour chômeurs potentiels. Et les diplômés en situation <strong>de</strong> non-emploi<br />

doivent désormais faire avec l’image négative liée à « ceux qui ne travaillent pas ».<br />

Cette altération <strong>de</strong> l’image du diplômé est rendue particulièrement saillante à<br />

travers la pratique du grin. Réunion d’amis dans la rue et autour du thé, le grin est<br />

une façon d’initier la « jeunesse » au mon<strong>de</strong> extérieur, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’espace <strong>de</strong> la<br />

maison. Mais à la pratique du grin correspon<strong>de</strong>nt à la fois <strong>de</strong>s horaires et un âge.<br />

Demba, titulaire d’un BTS en informatique <strong>de</strong> gestion et au « chômage » <strong>de</strong>puis un<br />

an, témoigne :<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Quand t’es lycéen, d’accord, il n’y a pas <strong>de</strong> problèmes… Mais nous on<br />

<strong>de</strong>vrait être au travail. […] Mais mes amis du grin eux non plus ne<br />

travaillent pas ! Mais si tu es au grin <strong>de</strong> 8h à midi, c’est que tu n’as rien à<br />

faire. Su tu as quelque chose à faire, quand même, tu ne serais pas là. »<br />

Demba.<br />

Être au grin à 16 ou 17h quand on est lycéen ou étudiant n’a rien d’ « anormal ».<br />

La journée scolaire étant terminée, tout le mon<strong>de</strong> s’attend à trouver <strong>de</strong>s jeunes<br />

« causer » <strong>de</strong>vant les portes <strong>de</strong>s maisons. Par contre, être au grin « <strong>de</strong> 8h à midi »<br />

quand on est en âge <strong>de</strong> travailler éveille les soupçons. Pour Issa, âgé <strong>de</strong> 53 ans et<br />

propriétaire d’une boutique <strong>de</strong> sport à Niaréla 1 , le grin n’est pas seulement l’activité<br />

<strong>de</strong>s « jeunes ». Elle est aussi i<strong>de</strong>ntifiée par lui comme étant celle <strong>de</strong>s « chômeurs » :<br />

« La moitié <strong>de</strong>s jeunes qui sont dans la rue, ces jeunes là ne font rien ! Au<br />

lieu <strong>de</strong> travailler, <strong>de</strong> chercher un travail, ils se retrouvent là, à causer, à<br />

s’amuser. Mais ça, c’est le problème même <strong>de</strong> Bamako. Dans les familles, tu<br />

trouveras qu’il n’y a qu’une seule personne qui travaille pendant que les<br />

autres boivent du thé. C’est un vrai problème. » Issa.<br />

Mais pour les diplômés-chômeurs rencontrés à Bamako, et contrairement aux<br />

présupposés d’Issa, le grin ne se réduit en aucun cas à une pratique ludique ou oisive.<br />

Demba continue <strong>de</strong> se rendre quotidiennement au grin avec ses amis qui, comme lui,<br />

sont diplômés et sans-emploi. Conscients <strong>de</strong> la condamnation sociale dont cette<br />

pratique est l’objet, quand « on a passé l’âge » (Demba), les membres <strong>de</strong> ce groupe<br />

1 Quartier <strong>de</strong> Bamako situé au nord <strong>de</strong> la ville.<br />

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