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Les bamakois diplômés de Paris

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accueillir. Téné prononce la formule « dumini filé » (voici la nourriture) et<br />

s’en va s’associer aux femmes […].<br />

C’est à Boua que revient la charge <strong>de</strong> conditionner les aliments : il verse<br />

<strong>de</strong> la sauce sur le riz et distribue les morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> autour du plat<br />

unique dit « le bol ». De cette façon, il s’assure que chacun d’entre nous ait sa<br />

part. Manifestement, je suis le mieux servi. « C’est normal, c’est toi l’invité »,<br />

me dit-il avec son habituel sourire. Vieux Cissé commente : « c’est lui qui<br />

prépare parce que c’est lui le plus vieux ».<br />

Alors que Boua exécute les <strong>de</strong>rniers gestes <strong>de</strong> préparation, Petit Boua<br />

plonge sa main dans le bol afin d’y retirer une poignée <strong>de</strong> riz. Vieux Cissé le<br />

sanctionne immédiatement en lui tapant sur la main. « Quel malpoli ! »,<br />

ajoute-t-il d’un air en colère. Boua gar<strong>de</strong> le silence. L’enfant, en faute, baisse<br />

les yeux. L’inci<strong>de</strong>nt clos, Vieux Cissé s’explique calmement :<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Il est là pour apprendre. Normalement, c’est toujours le chef <strong>de</strong><br />

famille qui doit commencer à manger, comme ça, il voit si la<br />

nourriture n’est pas mauvaise… C’est pour notre bien si tu veux. »<br />

Nous mangeons en silence, <strong>de</strong> la main droite. […] Je suis le premier<br />

rassasié et je m’empresse <strong>de</strong> le signaler à mes compagnons en m’exclamant<br />

« né fara » (je suis plein). « Tu dois remercier Nafi – la femme la plus âgée<br />

et la maîtresse <strong>de</strong> maison - et dire « àbarika » (merci) me dit Boua, ce que je<br />

fais dans la secon<strong>de</strong>. Nafi me répond « àbarika Ala yé » (merci à dieu).<br />

Chaque homme, à la fin <strong>de</strong> son repas, prononcera la même formule, toujours<br />

<strong>de</strong>stinée à Nafi.<br />

Dans cette observation, plusieurs éléments permettent <strong>de</strong> rendre compte <strong>de</strong> la<br />

hiérarchisation <strong>de</strong>s âges et <strong>de</strong> sa mise en scène au cours du repas. Chacun <strong>de</strong>s<br />

protagonistes, par ses actions, révèle partiellement le statut qui est le sien dans le<br />

groupe <strong>de</strong>s hommes : Boua tient le rôle du chef <strong>de</strong> famille ; Vieux Cissé, celui<br />

du « grand frère » ; Petit Boua est le ca<strong>de</strong>t <strong>de</strong> l’assemblée, le « petit » pour reprendre<br />

une expression courante à Bamako désignant l’enfant.<br />

Mais avant d’entrer dans les détails, <strong>de</strong>ux remarques doivent être faites. Notons<br />

d’abord que Nafi est reconnue comme la maîtresse <strong>de</strong> maison lorsque les hommes, à<br />

la fin du repas, la remercient publiquement (« àbarika ») 1 . Cette marque <strong>de</strong><br />

1 Nafi a pris le rôle <strong>de</strong> maîtresse <strong>de</strong> maison suite au décès <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> Boua en 2005. Elle est la<br />

sœur <strong>de</strong> la défunte. Ce choix n’a pas été simple. La décision revenant aux aînés <strong>de</strong> la famille (Boua et<br />

son frère), la question était <strong>de</strong> savoir si Boua <strong>de</strong>vait trouver une nouvelle femme ou non. Mais « c’était<br />

au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> ses forces, se remarier c’était trop dur pour lui ». Mamadou, son fils aîné.<br />

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