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Les bamakois diplômés de Paris

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heure <strong>de</strong> discussion, Demba se joint à nous, lequel est salué « comme il se<br />

doit » :<br />

« Ah, Doucouré ! » s’exclame Mamadou en lui tendant une main<br />

chaleureuse.<br />

« Doucouré ! Doucouré est là ! Ça fait plaisir !» continue Yaya lui<br />

présentant à son tour sa main droite.<br />

Leurs voix se sont faites plus bruyantes, comme pour signaler<br />

publiquement que Doucouré est dans la place. Ce <strong>de</strong>rnier reçoit ces<br />

salutations avec un large sourire, apparemment satisfait <strong>de</strong> l’accueil qui lui a<br />

été réservé.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Dans cette scène sociale, on retrouve l’ensemble <strong>de</strong>s éléments qui, pour Erving<br />

Goffman, définissent l’« échange confirmatif » : « quand un individu signale son<br />

implication et sa connection avec un autre, il incombe au bénéficiaire <strong>de</strong> montrer que<br />

le message a été reçu, que la valeur a été appréciée, que la relation réelle est bien ce<br />

qu’en affirme l’exécutant, que lui-même à bien la dignité d’une personne, et, enfin,<br />

que le bénéficiaire est d’une nature sensible et reconnaissante 1 ». L’auteur insiste ici<br />

sur le caractère dialogique <strong>de</strong> l’échange permettant <strong>de</strong> confirmer la relation entre<br />

personnes <strong>de</strong> connaissance : les donneurs (Mamadou et Yaya) annoncent<br />

publiquement le patronyme du receveur (Demba), lequel manifeste en retour sa<br />

gratitu<strong>de</strong> par un sourire 2 .<br />

Cette « affirmation ostentatoire du nom 3 » ne va pas sans rappeler la dimension<br />

historique et laudative du patronyme au Mali, laquelle a été soulignée par Amadou<br />

Hampâté Bâ : « En Afrique traditionnelle, l’individu est inséparable <strong>de</strong> sa lignée ; qui<br />

continue <strong>de</strong> vivre à travers lui et dont il n’est que le prolongement. C’est pourquoi,<br />

lorsqu’on veut honorer quelqu’un, on le salue en lançant non pas son nom personnel<br />

(ce que l’on appellerait en Europe le prénom) mais le nom <strong>de</strong> son clan : « Bâ ! Bâ ! »<br />

1 Op.cit., Goffman, La mise en scène <strong>de</strong> la vie quotidienne, 2. <strong>Les</strong> relations en public, <strong>Paris</strong>, Minuit,<br />

1973, p.74.<br />

2 Il convient <strong>de</strong> préciser que Demba, Mamadou et Yaya ne s’étaient pas rencontrés <strong>de</strong>puis plusieurs<br />

semaines, ce qui peut expliquer le caractère « expansif » <strong>de</strong>s salutations. C’est d’ailleurs un point qui a<br />

été soulevé par Erving Goffman : « Il se développe dans une relation une appréciation <strong>de</strong> la probabilité<br />

et du coût du contact ; il s’ensuit qu’après une pério<strong>de</strong> d’éloignement tout retour à une facilité <strong>de</strong><br />

contact accoutumée justifie une célébration spéciale. Ibid., p. 91.<br />

3<br />

David Lepoutre, Cœur <strong>de</strong> banlieue, <strong>Paris</strong>, Odile Jacob, Poches, [1997], 2001, p. 368.<br />

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