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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

ethniques. Et c’est cela qu’il importe <strong>de</strong> souligner ici : pour aucun <strong>de</strong> mes<br />

interlocuteurs <strong>bamakois</strong> et diplômés, les foyers ne sont <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce. La<br />

plupart d’entre eux investissent ces lieux <strong>de</strong> vie durant leur semaine <strong>de</strong> travail, au<br />

moment <strong>de</strong> la « pause déjeuner ». <strong>Les</strong> foyers sont donc avant tout associés à une<br />

fonction <strong>de</strong> restauration, laquelle touche à un premier thème central : celui du lien<br />

entre alimentation et immigration. <strong>Les</strong> condiments, leur mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> préparation et <strong>de</strong><br />

consommation familiers rouvrent quotidiennement les portes d’un univers <strong>de</strong> goûts<br />

et <strong>de</strong> pratiques alimentaires incorporés au Mali, univers dont il ne faut pas sousestimer<br />

la valeur mémorielle.<br />

Et puis « tu peux toujours aller manger là-bas parce que tu as toujours<br />

quelques pièces dans la poche » (Yaya). 1 euro 50, c’est le coût du repas <strong>de</strong>s foyers<br />

visités, un coût accessible à toutes les bourses. L’économie <strong>de</strong>s repas, c'est-à-dire les<br />

dépenses accordées à l’alimentation, constitue la <strong>de</strong>uxième raison <strong>de</strong> la fréquentation<br />

<strong>de</strong>s foyers par les enquêtés.<br />

Enfin, Jacques Barou note que « c’est aussi autour <strong>de</strong> la nourriture [et] <strong>de</strong>s plats<br />

[…] du pays […] que les migrants prennent conscience <strong>de</strong> leur force et repensent leur<br />

i<strong>de</strong>ntité» 1 . Le foyer constitue bien un mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> sociabilité qui passe par le jeu <strong>de</strong>s<br />

i<strong>de</strong>ntifications, ne serait-ce que par la possibilité qu’il offre <strong>de</strong> parler sa langue<br />

maternelle (le bambara). Mais pour certains enquêtés, le foyer a aussi été le lieu où ils<br />

m’ont exprimé clairement leurs sentiments <strong>de</strong> différence avec les résidants : origines<br />

géographiques (urbain/rural), ethniques (malinkés VS soninkés en particulier), et<br />

sociales (diplômés/non diplômés notamment). Ces logiques<br />

d’i<strong>de</strong>ntification/différenciation sont <strong>de</strong>s indices précieux du rapport entre les<br />

différentes strates <strong>de</strong> populations ouest-africaines installées à <strong>Paris</strong>.<br />

Au moins trois logiques s’entrecroisent donc dans la pratique du repas au<br />

foyer : une logique <strong>de</strong> continuité sociale (réinvestissement <strong>de</strong>s pratiques alimentaires<br />

maliennes), une logique économique du « moindre coût » et une logique <strong>de</strong><br />

construction i<strong>de</strong>ntitaire (par le jeu <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntifications/distinctions).<br />

1 Jacques Barou, « L’alimentation, une ressource économique et i<strong>de</strong>ntitaire pour les immigrés »,<br />

hommes et migrations, n°1283, Janvier-février, 2010, p. 18.<br />

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