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Les bamakois diplômés de Paris

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[Bamako, le 28.12.07] Le chauffeur du taxi dans lequel je me trouve<br />

m’apprend qu’il est en affaire avec un oncle résidant à <strong>Paris</strong> <strong>de</strong>puis vingt ans.<br />

Ce <strong>de</strong>rnier est dans « la démolition d’ordures ménagères ». Il y fait fortune<br />

en récupérant <strong>de</strong>s frigos, <strong>de</strong>s télés, <strong>de</strong>s lave-linge qu’il envoie au Mali après<br />

une remise en état. Ce « trafic » est relayé par mon interlocuteur qui, une fois<br />

par mois, se rend à Dakar en bus. Il récupère la marchandise ainsi qu’une<br />

voiture, elle aussi venue <strong>de</strong> France. Elle sera d’ailleurs vendue avec, au<br />

passage, une prime <strong>de</strong> 50 000 FCFA.<br />

Le grand bénéficiaire <strong>de</strong> cette relation familiale et commerciale est celui<br />

qui vit en France. D’après mon chauffeur, il est propriétaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

immeubles à Hamdallaye ACI, un à Bankoni et un autre à Korofina, tous sont<br />

en location. Il est également propriétaire <strong>de</strong> son appartement à <strong>Paris</strong> (où loge<br />

sa première femme) et d’une maison à Niaréla (où loge sa secon<strong>de</strong> femme).<br />

De retour quelques mois par an au Mali, il « rend visite à sa famille et fait<br />

son business ». Mon chauffeur est manifestement admiratif.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

L’important ici n’est pas <strong>de</strong> savoir si ces « histoires <strong>de</strong> migrants » sont vraies. Ce<br />

qui importe, c’est qu’elles se racontent. Quelle peut être la réception <strong>de</strong> ces récits sur<br />

<strong>de</strong>s jeunes diplômés en proie au déclassement Voilà la question qui doit être posée.<br />

Yaya nous donne à ce sujet quelques éléments <strong>de</strong> réponse :<br />

« On m’a tellement parlé <strong>de</strong> la France. On me disait : les gens sont comme<br />

ça, ce que tu fais ne regar<strong>de</strong> personne, ce que font les gens ne te regar<strong>de</strong> pas<br />

les gens sont pressés, les voitures sont comme ça, les lumières sont comme<br />

ça, Ces grands immeubles… on me parlait <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> la France, tu vois<br />

pleins <strong>de</strong> trucs… tout le mon<strong>de</strong> a son appartement, sa voiture, je savais<br />

qu’en France on pouvait avoir tout ce qu’on voulait, <strong>de</strong> belles fringues, un<br />

téléphone portable et surtout, on savait qu’il y avait du boulot et <strong>de</strong><br />

l’argent… Alors qu’au Mali… Tu les vois les personnes qui font <strong>de</strong> l’argent en<br />

France. Un jour, j’ai vu le pote <strong>de</strong> mon père qui est revenu en Afrique avec<br />

ses belles fringues, ses lunettes <strong>de</strong> soleil… Je me suis dit : “ je veux partir“. »<br />

Yaya.<br />

Yaya n’a retenu <strong>de</strong> la France que les attitu<strong>de</strong>s et les discours mobilisateurs.<br />

Ceux-ci permettent au mythe <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> conserver sa fonction essentielle :<br />

ouvrir le possible. Mais il apparaît que les conditions d’immigration ne sont pas<br />

toujours celles qui sont décrites :<br />

« Bon, parce que moi, en fait, je pensais que Mamadou il avait un petit<br />

appartement à lui quand j’étais au Mali… Tu vois tout ça. Mais il disait :<br />

“j’ai une maison“. Je lui dis [au téléphone] : “tu n’habites plus chez Samba “,<br />

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