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Les bamakois diplômés de Paris

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[<strong>Paris</strong>, le5.07.07] Il m’a toujours semblé « facile » d’obtenir <strong>de</strong>s<br />

informations sur les emplois occupés par les enquêtés. La raison qui me vient<br />

immédiatement à l’esprit est qu’il est d’usage <strong>de</strong> décliner son i<strong>de</strong>ntité sociale<br />

à partir <strong>de</strong> son activité professionnelle. Il s’agit bien d’une manière <strong>de</strong> faire<br />

puisque les activités d’un individu ne peuvent pas se résumer à celle qu’il<br />

exerce <strong>de</strong> façon rémunérée.<br />

[…] La question est <strong>de</strong> savoir si cette façon <strong>de</strong> faire est propre à mon<br />

milieu social d’origine ou si elle reflète, une manière « française » <strong>de</strong> faire ;<br />

interrogation qui fait écho à cette déclaration d’Amadou :<br />

« Quand je veux faire parler un Français, je lui parle <strong>de</strong> son travail.»<br />

Amadou 1 .<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

J’ai bien conscience que cette note réflexive comporte un défaut <strong>de</strong><br />

généralisation. Peut-on raisonnablement affirmer qu’il existe une manière française<br />

<strong>de</strong> se présenter et que celle-ci passe nécessairement - et en premier lieu - par<br />

l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> travail Je ne le pense pas. Comme dans tous les groupes sociaux, l’accès<br />

mutuel s’exprime concrètement par <strong>de</strong>s formes codifiées <strong>de</strong> salutations et <strong>de</strong><br />

présentation <strong>de</strong> soi.<br />

David Lepoutre, dans son ouvrage Cœur <strong>de</strong> banlieue, fournit un bon exemple.<br />

Décrivant les rituels <strong>de</strong> reconnaissance entre adolescents résidants dans la cité <strong>de</strong>s<br />

Quatre Mille 2 , il écrit :<br />

« […] Si ego croise dans la rue un <strong>de</strong> ses camara<strong>de</strong>s qui se trouve accompagné<br />

d’une autre personne qui lui est inconnue, il serrera la main aux <strong>de</strong>ux, sans<br />

que l’inconnu lui soit présenté et sans rien <strong>de</strong>mandé non plus. Cela explique<br />

notamment cette remarque <strong>de</strong> Mohamed sur les nombreux “inconnus“ à qui<br />

il serre la main : “Il suffit que tu rencontres un groupe avec un mec <strong>de</strong>dans<br />

que tu connais pas, tu lui serres la main… Le len<strong>de</strong>main, on se rencontre, on<br />

se serre la main. On va se serrer la main pendant <strong>de</strong>s années sans savoir le<br />

nom, ni le prénom, ni que dalle“. Il ne s’agit nullement d’un défaut <strong>de</strong><br />

courtoisie imputable à la jeunesse <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> ce groupe social, mais<br />

d’un co<strong>de</strong> <strong>de</strong> rencontre populaire que l’on retrouve, i<strong>de</strong>ntique, chez les<br />

adultes en milieu ouvrier – co<strong>de</strong> duquel se distingue justement le co<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

présentation bourgeois 3 .»<br />

1<br />

D’autres interlocuteurs jouent aussi consciemment sur le registre du travail lors <strong>de</strong> conversations<br />

avec les « accueillants », par exemple : « Quand j’ai fait mes <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s pour faire venir ma femme en<br />

France, la dame, je lui ai dit qu’elle était bien organisée, qu’elle était gentille, qu’elle s’occupait bien <strong>de</strong><br />

mon dossier… J’ai compris qu’ici il faut dire aux gens qu’ils font bien leur travail.» Ibrahim.<br />

2 Située dans la commune <strong>de</strong> La Courneuve.<br />

3 Op.cit., Lepoutre, 2001, p. 113.<br />

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