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Les bamakois diplômés de Paris

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plusieurs interlocuteurs ont déclaré qu’ils n’étaient pas dans l’obligation d’« envoyer<br />

<strong>de</strong> l’argent » à la famille restée au pays. Ce fût, par exemple, le cas <strong>de</strong> Jules :<br />

« Donc moi, j’avais la situation en Afrique, c’était pour moi-même que je suis<br />

parti. Par exemple, il y a <strong>de</strong>s gens qui viennent ici pour trouver <strong>de</strong> l’argent<br />

et qui l’envoient à leurs parents. Il y a <strong>de</strong>s gens qui travaillent pour leurs<br />

familles. Tout le mois ils peuvent envoyer la moitié <strong>de</strong> leur salaire au pays.<br />

C’est pour ai<strong>de</strong>r ses parents. […] Mon père, il m’a dit : occupe-toi <strong>de</strong> toi<br />

d’abord, essaie d’être à l’aise là-bas [en France]. Donc, quand j’ai vu ça, je<br />

me suis dit que je vais aller en France, je vais gagner ma vie et comme j’ai<br />

pas à envoyer d’argent, je peux vivre seul et m’installer. » Jules 1 .<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Cette déclaration <strong>de</strong> Jules délivre <strong>de</strong>ux informations importantes.<br />

Premièrement, les familles peuvent faire face au coût <strong>de</strong> la vie <strong>bamakois</strong>e sans les<br />

transferts financiers <strong>de</strong> leurs fils. Ensuite, les parents consentent au projet<br />

d’indépendance <strong>de</strong> leur enfant. « Payer le billet d’avion » n’est donc pas un acte<br />

parental anodin. Il « présuppose un travail <strong>de</strong> décodage <strong>de</strong>s attentes <strong>de</strong>s enfants tout<br />

en dosant bien le soutien 2 ». Ainsi, certains parents, en <strong>de</strong>venant <strong>de</strong>s partenaires clés<br />

<strong>de</strong> la migration, font un compromis : celui d’être prêts à renoncer à la <strong>de</strong>tte<br />

intergénérationnelle pour permettre à leurs enfants la réalisation <strong>de</strong> leurs aspirations.<br />

Mais je ne veux pas laisser croire ici à une « extinction » du principe <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte.<br />

D’abord, les attentes <strong>de</strong> la famille à l’égard du migrant sont plus complexes qu’il n’y<br />

paraît :<br />

« Quand je suis retourné à Bamako, je suis retourné à Bamako avec un<br />

téléphone portable <strong>de</strong>rnière génération, pour ma mère. Elle était très<br />

contente. Elle le montrait à tout le mon<strong>de</strong>, le posait sur la table pour que<br />

tout le mon<strong>de</strong> le voit, pour que tout le mon<strong>de</strong> sache que son enfant en<br />

France, le lui a envoyé, que tout le mon<strong>de</strong> sache qu’elle est entretenue. Il y a<br />

quelques mois, elle m’a appelé. Elle pleurait. On lui avait volé son portable.<br />

Elle pensait que j’allais la disputer. Au lieu <strong>de</strong> ça, je lui ai d’abord dit que ça<br />

n’avait aucune importance, que je lui enverrai <strong>de</strong> l’argent. Elle m’a dit “non“,<br />

qu’elle voulait un nouveau portable. » Youssouf.<br />

Ensuite, la gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s enquêtés n’est pas indifférente aux ressources<br />

mobilisées par leurs familles afin que se concrétise leur émigration. Bien au contraire,<br />

1 Il me faut préciser que Jules, dans son projet migratoire, est le seul enquêté à revendiquer une<br />

coupure nette et planifiée avec le groupe <strong>de</strong> parenté.<br />

2 Op.cit., Cicchelli, 2001, p. 92.<br />

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