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Les bamakois diplômés de Paris

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B. Travail et éthique familiale<br />

Au Mali, la famille est perçue comme une aire <strong>de</strong> sécurité sociale. Sa hiérarchie<br />

et ses logiques <strong>de</strong> redistribution (basée sur la <strong>de</strong>tte <strong>de</strong>s ca<strong>de</strong>ts envers les aînés) sont<br />

au cœur <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> reproduction domestique. Mais il est un aspect capital<br />

qu’il convient <strong>de</strong> souligner maintenant et qui participe, <strong>de</strong> façon plus globale, au<br />

maintien <strong>de</strong> l’ordre social malien : les relations entre les familles.<br />

Si les normes <strong>de</strong> la vie familiale sont à ce point incorporées, ce n’est pas<br />

uniquement parce qu’elles sont contrôlées par les aînés familiaux ; c’est aussi parce<br />

qu’elles sont soumises au regard que les familles portent les unes sur les autres.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

[Bamako, le 28.11.2008] L’entretien avec Toumani s’est terminé plus tôt<br />

que je ne l’avais prévu. La raison en est que mon interlocuteur doit se rendre<br />

à un enterrement, celui d’un voisin. « Je suis déjà en retard – me dit-il. Ce<br />

n’est pas tellement pour le défunt que j’y vais, c’est juste pour être là. Tu<br />

comprends, sinon, tout le mon<strong>de</strong> va parler comme quoi, lui, il n’était pas là.<br />

Chez nous, les “on dit“ vont plus vite que la pub ».<br />

Sous le contrôle du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s autres, la famille est une affaire <strong>de</strong> réputation. Et<br />

la réputation familiale est inscrite dans la capacité <strong>de</strong> chaque membre à répondre aux<br />

exigences normatives <strong>de</strong> sa société. Or, le parcours <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong>s enquêtés a bien<br />

souvent été interprété comme un « parcours <strong>de</strong> la différence », un parcours qui a<br />

bénéficié du « capitalisme colonial 1 ». L’exemple <strong>de</strong> la famille D. va permettre<br />

d’illustrer ce point.<br />

Début <strong>de</strong>s années 80, après une mission diplomatique <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans en France,<br />

Boua et sa famille retournent vivre à Bamako. Mamadou se souvient <strong>de</strong> sa rentrée<br />

scolaire et du regard que l’on portait sur lui et sur son père ; il avait douze ans :<br />

« En fait, pour eux, tu es un étranger. Au début, il m'est même arrivé <strong>de</strong> me<br />

bagarrer. C'est surtout que je ne parlais plus très bien le bambara et ça<br />

créait un blocage qui se traduisait par la violence. Il y a <strong>de</strong> la jalousie aussi,<br />

beaucoup <strong>de</strong> jalousie... Il te pique tes affaires ; c'est aussi <strong>de</strong>s propos comme<br />

: "fils <strong>de</strong> riche", "tu es pas comme nous", "tu te la racontes". Alors que moi,<br />

c'est pas ça. Ils pensaient que je voulais me mettre au <strong>de</strong>ssus d'eux. […] Mon<br />

1 John Lonsdale, « Ethnicité, Morale et tribalisme politique », Politique Africaine, n°61, 1996, p. 106.<br />

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