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Les bamakois diplômés de Paris

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«Plusieurs amis lecteurs du manuscrit se sont étonnés que la mémoire d’un<br />

homme <strong>de</strong> quatre-vingt ans puisse restituer tant <strong>de</strong> choses, et surtout avec<br />

une telle minutie dans le détail. C’est que la mémoire <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> ma<br />

génération, et plus généralement <strong>de</strong>s peuples <strong>de</strong> la tradition orale qui ne<br />

pouvaient s’appuyer sur l’écrit, est d’une fidélité et d’une précision presque<br />

prodigieuse. 1 »<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Quelle est la valeur <strong>de</strong> la mémoire dans un contexte où l’oralité est la gran<strong>de</strong><br />

garante <strong>de</strong> l’histoire Comment la mémoire est-elle travaillée pour lutter contre<br />

l’oubli Comment les histoires sont-elles racontées 2 Voilà une série <strong>de</strong> questions<br />

auxquelles il m’est bien difficile <strong>de</strong> répondre. Au même titre que l’on peut s’interroger<br />

sur la fiabilité <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> l’ethnographe, on peut s’interroger sur la fiabilité<br />

<strong>de</strong> la parole prêtée par l’auteur à Niélé. Dans les <strong>de</strong>ux cas, elles reposent sur la<br />

« bonne foi » <strong>de</strong> l’énonciateur.<br />

Revenons-en à l’extrait et regardons ce que l’auteur nous apprend, non pas sur<br />

l’histoire « extraordinaire » <strong>de</strong> son père, mais sur l’effet social <strong>de</strong> cette histoire. Il<br />

nous dit que celle-ci était racontée « dans bien <strong>de</strong>s foyers <strong>de</strong> Bandiagara ». Ce qui est<br />

extraordinaire, pour l’auteur, ce n’est pas moins l’histoire <strong>de</strong> son père que sa<br />

renommée.<br />

Or, tous les enquêtés connaissent - au moins <strong>de</strong> réputation - le nom et le<br />

prénom d’Amadou Hampâté Bâ, le fils. Ses livres sont lus au-<strong>de</strong>là du continent<br />

africain. Le sous-titre <strong>de</strong> « L’enfant Peul » - dont est tiré l’extrait ci-<strong>de</strong>ssus - est<br />

nommé « mémoires » (je souligne ici la forme plurielle). Par le biais <strong>de</strong> ses souvenirs,<br />

<strong>de</strong> ceux qui se transmettent <strong>de</strong> génération en génération, mais aussi <strong>de</strong> l’écriture, n’at-il<br />

pas fait ce que d’autres ont fait avant lui, perpétuer l’histoire <strong>de</strong> sa famille Mais<br />

surtout, Amadou Hampâté Bâ, n’a-t-il pas fait mieux que son père Sa renommée, <strong>de</strong><br />

toute évi<strong>de</strong>nce, ne s’arrête pas à Bandiagara.<br />

Pour finir, lorsqu’on lit attentivement ces <strong>de</strong>ux extraits, on remarque que le père<br />

est décrit comme étant un homme « fort » et « respecté ». La tonalité du récit –<br />

comme c’est le cas dans le discours <strong>de</strong>s enquêtés - n’est à aucun moment négative 3 .<br />

On peut entrevoir ici la force <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> socialisation domestique à <strong>de</strong>s âges<br />

1 Op.cit., Hampâté Bâ, 1992, p. 13.<br />

2 Ces questions ont été notamment abordées par Mamoussé Diagné dans son ouvrage : Critique <strong>de</strong> la<br />

raison orale, <strong>Les</strong> pratiques discursives en Afrique Noire, <strong>Paris</strong>, Karthala, 2005.<br />

3 La question du père n’a pas été abordée avec tous les enquêtés. La raison en est que ce thème,<br />

pourtant essentiel, ne m’est apparu pertinent que tardivement dans l’enquête. Je dirais au début <strong>de</strong><br />

l’année 2008, alors que je revenais <strong>de</strong> Bamako et que j’avais pu rencontrer certains membres <strong>de</strong> leurs<br />

familles.<br />

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