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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Mais ici, il faut gar<strong>de</strong>r à l’esprit que les enquêtés sont nés à Bamako. Plus<br />

précisément, il s’agit <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> génération <strong>de</strong> Bamakois et certains sont <strong>de</strong> la<br />

troisième génération. Autrement dit, ils sont les fils ou les petits fils d’anciens ruraux.<br />

Si le nom <strong>de</strong> famille d’une personne est révélateur <strong>de</strong> son ethnie et que cette<br />

ethnie est instantanément associée à la région géographique <strong>de</strong> son ancêtre, cette<br />

région n’a pas été une réalité physique pour mes interlocuteurs. Du moins, elle n’a<br />

pas été une réalité quotidienne pour eux. Comme me l’ont confié plusieurs enquêtés,<br />

ce qu’ils connaissent <strong>de</strong> cette région relève bien plus <strong>de</strong> ce que leurs parents ou leurs<br />

grands-parents en ont dit, que <strong>de</strong> ce qu’ils en ont vu. Le flou qui entoure l’ethnie<br />

trouve ici un premier élément d’explication.<br />

Ajoutons à cela que les enquêtés sont aujourd’hui placés en situation<br />

d’immigration. Cette <strong>de</strong>rnière implique l’utilisation <strong>de</strong> nouveaux éléments<br />

d’i<strong>de</strong>ntification, <strong>de</strong> nouvelles catégories d’opposition, qui sont d’autant plus<br />

important à saisir qu’elles concernent leur présent : immigré-français, noirblanc,<br />

migrant <strong>de</strong>s villages-migrant <strong>de</strong>s villes, etc.<br />

Que reste-t-il <strong>de</strong> l’ethnie pour la génération citadine et diplômée <strong>de</strong> cette<br />

enquête Que reste-t-il <strong>de</strong> l’ethnie quand la société d’immigration impose <strong>de</strong><br />

nouveaux principes <strong>de</strong> (di)vision du mon<strong>de</strong> <br />

À établir une hiérarchie <strong>de</strong>s éléments i<strong>de</strong>ntitaires auxquels mes interlocuteurs<br />

se réfèrent, il semble bien que l’ethnie n’occupe pas les premières places. Si tel était le<br />

cas, le groupe d’interconnaissance rencontré à <strong>Paris</strong> aurait dû se former selon<br />

l’appartenance à une même ethnie d’origine. Or, les origines ethniques <strong>de</strong>s enquêtés<br />

sont diverses : Malinkés, Soninkés, Dogons, Khassonkés et Peuls. C’est pourquoi je<br />

peux soutenir que le capital pré-migratoire, tel qu’il a été défini (l’origine urbaine, le<br />

niveau du diplôme, la langue française et l’origine sociale), lient les enquêtés entre<br />

eux à <strong>Paris</strong>. Ce que je ne peux pas faire avec l’ethnie 1 .<br />

1 Pour autant, il ne s’agit pas <strong>de</strong> tirer un trait sur l’ethnie car, comme je l’ai dit, elle est toujours une<br />

catégorie sociale mobilisée par certains enquêtés (pour se distinguer <strong>de</strong>s ruraux soninkés installés à<br />

<strong>Paris</strong> par exemple). Comme le souligne John Londsdale : « l’appartenance ethnique est un fait social<br />

universel. Tout être humain crée sa culture à l’intérieur d’une communauté qui se définit par<br />

opposition aux “autres “ » [Lonsdale, 1996, p. 99]. Élément d’i<strong>de</strong>ntification et <strong>de</strong> distinction utilisée<br />

pour se représenter le mon<strong>de</strong> social, comme d’autres utilisent les catégories « roms », « chinois »,<br />

« breton » ou « corse », l’ethnie est ici envisagée sous un angle particulier : celui <strong>de</strong> l’ethnicité. Elle<br />

n’est donc pas comprise comme un ensemble intemporel et immuable <strong>de</strong> traits « culturels » transmis<br />

tels quels <strong>de</strong> génération en génération qui seraient propres aux Sarakollés, aux Malinkés ou aux Peuls.<br />

L’ethnie est comprise comme étant « l’instrument par lequel <strong>de</strong>s groupements humains cherchent à<br />

manifester symboliquement leurs frontières, c’est-à-dire leur existence collective qu’ils configurent en<br />

l’organisant dans <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntités et <strong>de</strong>s appartenances » [Bastenier, 2004, p. 43.]. C’est donc la<br />

dimension relationnelle <strong>de</strong> l’ethnie qui a été retenue.<br />

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