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Les bamakois diplômés de Paris

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membres familiaux vient heurter l’idéologie familiale fondée sur le partage, l’entrai<strong>de</strong><br />

et la solidarité :<br />

« Nous, on vit en communauté. En Afrique, tu vas dans une maison, il y a<br />

vingt personnes au minimum qui vivent dans une maison. Ici, on est<br />

enfermé tout seul, chacun pour soi. […] La famille ici, elle t’ai<strong>de</strong> quand elle<br />

peut.» Jules.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Il ne faut pas pour autant conclure à une rupture <strong>de</strong>s liens familiaux. D’abord,<br />

l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> retrait <strong>de</strong>s accueillants n’est pas le résultat d’un choix, mais plutôt d’une<br />

contrainte : « Je savais que mon oncle ne pouvait pas faire autrement » (Moussa).<br />

Vivre ensemble selon le modèle <strong>de</strong> la maison familiale à Bamako ne trouve pas les<br />

conditions <strong>de</strong> sa réalisation à <strong>Paris</strong> : « […] Pour que cette réalité que l’on appelle<br />

famille soit possible, il faut que soient réunies <strong>de</strong>s conditions sociales qui n’ont rien<br />

d’universel et qui, en tout cas, ne sont pas uniformément distribuées. […] La famille<br />

dans sa définition légitime est un privilège qui est institué en norme universelle.<br />

Privilège <strong>de</strong> fait qui implique un privilège symbolique <strong>de</strong> normalité. Ceux qui ont le<br />

privilège d’avoir une famille conforme sont en mesure <strong>de</strong> l’exiger <strong>de</strong> tous sans avoir à<br />

se poser la condition (par exemple, un certain revenu, un appartement, etc.) <strong>de</strong><br />

l’universalisation <strong>de</strong> l’accès à ce qu’ils exigent universellement 1 ».<br />

Ensuite, les échanges intrafamiliaux - services, dons d’argent, hébergement,<br />

mise en réseau – continuent mais <strong>de</strong> façon ponctuelle, à la mesure du temps et <strong>de</strong>s<br />

ressources disponibles : confection <strong>de</strong>s repas, carte <strong>de</strong> transport, prêt ou achat <strong>de</strong><br />

vêtements, ai<strong>de</strong> dans les démarches administratives, pour trouver un emploi ou un<br />

logement, etc. Soumis à la contrainte <strong>de</strong> maintenir les conditions <strong>de</strong> sa propre<br />

stabilité sociale et économique, le groupe d’accueil assure une prise charge, certes<br />

partielle, mais essentielle.<br />

Toujours est-il qu’être sur les marges du groupe d’accueil, c’est être à la<br />

frontière <strong>de</strong> la zone d’assistance et <strong>de</strong> protection sociale qu’il peut garantir.<br />

L’impossibilité d’héberger <strong>de</strong> manière régulière les nouveaux arrivants laisse ouverte<br />

la question <strong>de</strong> l’inscription territoriale, <strong>de</strong> la domiciliation. Ce décrochage partiel du<br />

réseau migrant confronte la majorité <strong>de</strong> mes interlocuteurs au risque <strong>de</strong><br />

« désaffiliation » au sens <strong>de</strong> Robert Castel. Ce risque est présent « lorsque l’ensemble<br />

<strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> proximité qu’entretient un individu sur la base <strong>de</strong> son inscription<br />

1 Pierre Bourdieu, Raisons Pratiques, <strong>Paris</strong>, Seuil, 1994, p. 141.<br />

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