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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

passage d’une position à l’autre ne signifie pas nécessairement une stabilisation dans<br />

tel ou tel secteur d’activité.<br />

Cette mobilité intersectorielle force à nuancer les chiffres officiels qui proposent<br />

une vision fixiste <strong>de</strong> la position <strong>de</strong>s immigrants dans la hiérarchie <strong>de</strong>s métiers. De<br />

même, les chiffres indiquant un mouvement global <strong>de</strong>s immigrants actifs dans le<br />

tertiaire ne tient pas compte du statut d’emploi qu’ils occupent. Or, pour les enquêtés,<br />

la mobilité intersectorielle est un indicateur important <strong>de</strong> leur surreprésentation dans<br />

les emplois dits précaires (intérim et CDD). Cela m’amène au second point.<br />

L’intérim, la prestation <strong>de</strong> service, le prêt <strong>de</strong> main d’œuvre, la sous-traitance,<br />

ces dispositifs « ont en commun […] <strong>de</strong> substituer à la relation binaire traditionnelle<br />

(employé/employeur) <strong>de</strong>s relations tripartites, dont l’effet majeur est <strong>de</strong> fragiliser le<br />

lien du contrat <strong>de</strong> travail. 1 »<br />

Cette précarité du contrat apparaît dans plusieurs récits <strong>de</strong> mes interlocuteurs<br />

<strong>bamakois</strong> diplômés, qu’ils soient ouvriers ou employés. Si les contrats <strong>de</strong> (très) courte<br />

durée sont d’abord utilisés par les entreprises pour gérer leurs activités, ils peuvent<br />

aussi servir à se séparer facilement, et à tout moment, d’un intérimaire qui pose<br />

« problème ». Ainsi Yaya m’explique-t-il <strong>de</strong> la façon suivante comment sa première<br />

mission intérimaire - en tant que chauffeur-livreur - a pris fin :<br />

« Donc, je vais pour faire une livraison, et je prends le chariot pour<br />

transporter la marchandise. Je sonne à la porte <strong>de</strong> service. Je dis que je suis<br />

<strong>de</strong> [telle société]. En entrant, tu vois, le couloir était très étroit et j’accroche<br />

avec le chariot une sorte <strong>de</strong> porte-lettre accroché au mur. Ça a fait un bruit<br />

sec, un gros “Pow“. Là, il y a mec qui sort <strong>de</strong> son bureau, “ costume-cravate “<br />

et qui vient directement vers moi et il commence à m’insulter : “quel abruti,<br />

tu ne peux pas faire attention !“ Le mec il m’insulte directement, je lui dis :<br />

“ce n’est pas poli d’insulter les gens comme ça, qu’il ne faut pas manquer <strong>de</strong><br />

respect“. Je reste correct. Le mec, il s’énerve, il s’énerve et il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> mon<br />

nom et le nom <strong>de</strong> l’entreprise… Bon, je les lui donne […]. Je vais pour<br />

déposer la marchandise et là je croise une dame qui a tout vu quoi. Elle me<br />

dit quoi Que la personne qui m’a insulté, “c’est le grand patron <strong>de</strong> l’hôtel“.<br />

[…] Quand je suis rentré avec le camion, mon boss, il m’a fait venir dans son<br />

bureau et il m’a dit cash : “entre toi et un gros client, le choix est vite fait“.<br />

[…] J’ai rendu les clefs du camion, c’était fini. Pour eux, c’est facile, comme<br />

c’est <strong>de</strong>s contrats à la semaine… Et comme c’était un vendredi, on m’a juste<br />

dit <strong>de</strong> ne pas revenir le lundi. » Yaya.<br />

1 Op.cit., Marie, 1997, p. 158.<br />

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