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Les bamakois diplômés de Paris

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La conclusion <strong>de</strong> Drissa Diakité est sans appel : « l’école malienne est<br />

gravement mala<strong>de</strong> et les mouvements <strong>de</strong> ces dix <strong>de</strong>rnières ont, à l’évi<strong>de</strong>nce,<br />

hypothéqué sérieusement l’avenir d’au moins une génération d’élèves 1 ». On l’aura<br />

compris, cette génération est celle <strong>de</strong> mes interlocuteurs.<br />

Dans ce contexte <strong>de</strong> crise, quelles ont été les réactions <strong>de</strong>s personnages <strong>de</strong><br />

l’enquête La succession <strong>de</strong>s années blanches, la baisse <strong>de</strong> niveau 2 , la dévalorisation<br />

<strong>de</strong>s diplômes, l’échec <strong>de</strong>s tentatives d’insertion dans le mon<strong>de</strong> du travail, tous ces<br />

facteurs vont pousser les enquêtés à réviser leurs projets d’existence. Mais avant<br />

d’opter pour la solution migratoire, la plupart d’entre eux ont d’abord cherché à<br />

intégrer le marché du travail <strong>bamakois</strong>. C’est sur cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur existence que je<br />

vais m’arrêter maintenant.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

1.2 Des diplômés sans emploi ou sous-employés<br />

L’objectif poursuivi ici est <strong>de</strong> comprendre la situation <strong>de</strong>s enquêtés diplômés<br />

vis-à-vis <strong>de</strong> l’emploi et <strong>de</strong> saisir la manière dont celle-ci a été vécue.<br />

A. « Avoir un salaire »<br />

« Avoir un salaire » (Amadou), c’est ainsi que l’on peut résumer l’enjeu majeur<br />

qui caractérise la transition entre la vie scolaire et la vie professionnelle à Bamako.<br />

Pour en comprendre l’importance, il me faut faire un détour par le cas « particulier »<br />

<strong>de</strong> Bavieux, interlocuteur privilégié durant mon séjour dans la capitale malienne :<br />

[Bamako, le 9.01.08] J’ai rencontré Bavieux il y a <strong>de</strong>ux mois. Il est mon<br />

voisin <strong>de</strong> palier. Âgé <strong>de</strong> 24 ans, c’est un homme grand (1m92), « droit dans<br />

ses bottes », réservé parfois. Bavieux est « au chômage » <strong>de</strong>puis six mois :<br />

« quand on n’a rien, on n’a rien » dit-il régulièrement. Il m’en parle tous les<br />

jours : « Tu me vois sourire au grin mais au fond, je suis triste ». Il projette<br />

<strong>de</strong>puis peu <strong>de</strong> retourner dans son village s’entretenir avec un féticheur.<br />

« Avec quelques sacrifices, ça peut s’arranger ». Venu à Bamako comme <strong>de</strong>s<br />

milliers d’hommes et <strong>de</strong> femmes pour trouver un emploi, il se retrouve à tuer<br />

le temps avec ses compagnons <strong>de</strong> galère. Galérien donc, il m’explique que<br />

« sans sous-couvert 3 , il n’y a pas d’espoir ». […] Il ne souhaite pas se lancer<br />

dans une entreprise personnelle comme je le lui avais suggéré : laveur <strong>de</strong><br />

1 Op.cit., Diakité, 2000, p.23.<br />

2 <strong>Les</strong> résultats d’obtention du baccalauréat constituent un bon indicateur : 1989-1990 : 68,7% ; 1996-<br />

1997 : 39,7% ; 1999-2000 : 26%. République du Mali, MEB, Indicateur du système éducatif du Mali<br />

1998, Bamako, 1999. 31, 5% <strong>de</strong>s concurrents ont obtenu le baccalauréat selon le quotidien malien<br />

L’Essor du 16 août 2011.<br />

3 Le « sous-couvert » est un terme courant synonyme <strong>de</strong> « réseau » ou <strong>de</strong> « capital social ».<br />

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