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Les bamakois diplômés de Paris

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Papus, attentif à notre conversation, confirme les propos <strong>de</strong> Yaya en<br />

exprimant lui aussi l’importance du « respect au travail » ; d’autant que,<br />

dans son activité [vigile <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux ans dans une gran<strong>de</strong> surface du<br />

département <strong>de</strong> Seine-et-Marne], il ne manque pas <strong>de</strong> se faire « insulter par<br />

les clients » ou « minimiser par sa hiérarchie ». Mais ce n’est pas le seul<br />

désagrément qu’il trouve à son travail :<br />

Papus : Il y a trop <strong>de</strong> caisses à surveiller, trop <strong>de</strong> travail. On est <strong>de</strong>ux<br />

agents pour 45 caisses, il n’y avait pas <strong>de</strong> pauses. Pendant huit heures<br />

on restait <strong>de</strong>bout, non-stop. De toute façon, je commence à avoir mal au<br />

dos. Tu es <strong>de</strong>bout, tu vois, tes pieds… Tu es obligé <strong>de</strong> jeter ton stylo par<br />

terre, juste pour te baisser et te soulager… Ou alors je dis au chef que je<br />

vais aux toilettes, là je peux m’assoir juste pour me détendre les<br />

jambes…»<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

[…] « Faute <strong>de</strong> mieux », « ça dépanne », « pas le choix », sont quelques<br />

une <strong>de</strong>s expressions employées par mes interlocuteurs pour expliquer leurs<br />

conditions <strong>de</strong> travailleurs. <strong>Les</strong> durées <strong>de</strong>s « missions », comme ils disent,<br />

sont incertaines et personne ici ne se sent à l’abri d’une pério<strong>de</strong> d’inactivité<br />

trop longue.<br />

[…] Après avoir fait le tour <strong>de</strong>s contraintes propres à leurs activités et<br />

<strong>de</strong>s opportunités d’embauche dont les uns et les autres ont entendu parler,<br />

Issa –vigile <strong>de</strong>puis quatre ans dans un magasin <strong>de</strong> vêtements aux Halles (à<br />

Châtelet) - clôture la discussion sur le thème du travail par cette déclaration :<br />

«Ah là là, je dois être le vigile le plus diplômé <strong>de</strong> France ! [rires]»<br />

L’expression « travail à mobilité réduite » est née d’un double constat dont<br />

l’observation ci-<strong>de</strong>ssus donne une illustration. Premièrement, les personnages <strong>de</strong><br />

l’enquête sont surreprésentés dans <strong>de</strong>s emplois souvent précaires, parfois dévalorisés,<br />

et où la qualification requise est presque toujours inférieure au niveau <strong>de</strong> leurs<br />

diplômes. Deuxièmement, leurs situations d’emploi ten<strong>de</strong>nt à perdurer sur plusieurs<br />

années, comme si leurs statuts <strong>de</strong> travail n’offraient aucune possibilité d’ascension<br />

professionnelle.<br />

Mais l’expression « travail à mobilité réduite » ne veut pas dire absence <strong>de</strong><br />

mobilité (même si certains <strong>de</strong> mes interlocuteurs semblent aujourd’hui se trouver<br />

dans une impasse 1 ). Elle renvoie à l’idée d’une carrière professionnelle freinée par<br />

une série <strong>de</strong> contraintes spécifiques liées à la condition immigrée et aux<br />

1 Je pense ici à Mamadou dont on a vu précé<strong>de</strong>mment que les conditions <strong>de</strong> vie sont particulièrement<br />

difficiles aujourd’hui.<br />

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