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Les bamakois diplômés de Paris

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B. Le réseau exploitant : « prêter ses papiers »<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Parmi les sources <strong>de</strong> revenus compensatoires possibles, il existe une pratique<br />

rémunératrice consistant à prêter ses papiers d’i<strong>de</strong>ntité à une personne en situation<br />

irrégulière pour lui permettre <strong>de</strong> travailler. En pratique, le prêteur d’i<strong>de</strong>ntité perçoit<br />

le salaire <strong>de</strong> celui qui travaille sur son compte en banque, salaire qui est ensuite<br />

reversé au bénéficiaire légitime moyennant une commission.<br />

Révélée précé<strong>de</strong>mment à travers l’itinéraire professionnel <strong>de</strong> Mamadou (cf.<br />

Travailler sans autorisation), cette pratique a été confirmée par plusieurs <strong>de</strong> mes<br />

interlocuteurs. Si certains la dénoncent (« c’est <strong>de</strong> l’exploitation », «y’en a qui<br />

n’hésitent pas à te faire du chantage », « il me disait qu’il irait à la Police ou qu’il<br />

appellerait l’employeur»), d’autres au contraire la considèrent comme un moyen<br />

simple « d’arrondir ses fins <strong>de</strong> mois ».<br />

Daouda, par exemple, a eu l’occasion <strong>de</strong> tenir les <strong>de</strong>ux rôles : préteur d’i<strong>de</strong>ntité,<br />

il a également été celui à qui l’on prête une i<strong>de</strong>ntité. Pour lui, « tirer un petit bénéficie<br />

là-<strong>de</strong>ssus – comme il dit, c’est une règle » :<br />

Daouda : « Parce que quand tu bosses avec les papiers <strong>de</strong> quelqu’un, ça<br />

exige certaines règles. Bon, déjà tu lui passes 20% à 30% <strong>de</strong> ton salaire.<br />

David : Quoi C’est souvent comme ça <br />

Daouda : C’est pas que c’est souvent, c’est que c’est une règle qui est comme<br />

ça. Tu bosses avec les papiers <strong>de</strong> quelqu’un, il te dit : “ à la fin du mois, tu me<br />

donnes cette somme, et après, dès que je reçois la déclaration d’impôt, on la<br />

paie ensemble“. C’est ce qui m’est arrivé. Jusqu’à présent, j’ai fait les<br />

comptes, il me doit quelque chose comme 3000 €. J’ai fait une croix <strong>de</strong>ssus.»<br />

Dans cet extrait, on remarquera qu’à la somme prélevée sur le salaire <strong>de</strong><br />

Daouda s’ajoute le « supplément d’impôts supporté par le prêteur 1 ». Durant<br />

l’entretien, mon interlocuteur me précise également qu’une participation financière à<br />

<strong>de</strong>s évènements (les ca<strong>de</strong>aux <strong>de</strong> Noël par exemple) ou <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> loisirs<br />

(invitations régulières au restaurant notamment) était exigée. Cela ne fait que rendre<br />

saillant la relation <strong>de</strong> domination qui peut s’installer entre le sans-papiers (qui a<br />

1 Op.cit., Hersenstein et Spire, 2010, Url : http://www.gisti.org/spip.phparticle1969 [consulté le<br />

14.02.12].<br />

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