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Les bamakois diplômés de Paris

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<strong>de</strong> fortes contraintes <strong>de</strong> temps : « quand je rentre le soir, il m’arrive <strong>de</strong> me coucher<br />

directement, sans manger ». L’usure mentale et physique, l’alternance du rythme <strong>de</strong><br />

travail, le temps <strong>de</strong> récupération amoindri, tout cela, Ibrahim en parle peu. Il dira, au<br />

détour d’une conversation, que « c’est le prix à payer pour avoir un appartement et<br />

une famille en France».<br />

On ne peut pas douter que l’intensification du travail est un facteur <strong>de</strong><br />

fragilisation. Mais il ne faut pas oublier que ce fort investissement dans le travail est<br />

celui d’un père <strong>de</strong> famille qui ne vit plus aux côtés <strong>de</strong> sa femme et <strong>de</strong> son fils <strong>de</strong>puis<br />

plus <strong>de</strong> cinq ans : « Quand j’y pense, c’est comme une auto<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> moimême<br />

». Et c’est bien là la raison profon<strong>de</strong> qui lui permet <strong>de</strong> maintenir l’effort. Le<br />

« prix à payer » - comme il dit - est celui d’un sacrifice <strong>de</strong> soi et <strong>de</strong> son temps afin<br />

d’aménager au plus vite les conditions d’une vie familiale rompue par la migration.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

[<strong>Paris</strong>, le 7.12.2009] 21h, je reçois un appel d’Ibrahim : « J’ai une gran<strong>de</strong><br />

nouvelle à t’annoncer- me dit-il après <strong>de</strong>s salutations rapi<strong>de</strong>s : mon fils est<br />

arrivé la semaine <strong>de</strong>rnière, il est à la maison.»<br />

À mes yeux, il s’agit d’une victoire. La lutte administrative a été digne<br />

d’un marathon […]. Il aura fallu un an et neuf mois pour qu’Ibrahim retrouve<br />

son fils au lieu <strong>de</strong>s « 6 mois annoncés par les institutions officielles ». Je le<br />

félicite et lui dit que c’est une « belle réussite.»<br />

Ibrahim : « Mais je n’ai réussi qu’à moitié. À moitié, parce<br />

qu’aujourd’hui, ma femme est toujours là-bas.»<br />

[…] Boua, 6 ans, est déjà scolarisé à Montereau. <strong>Les</strong> horaires <strong>de</strong> l’école<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt à Ibrahim une gestion serrée <strong>de</strong> son emploi du temps :<br />

« Quand je finis le travail à Epinay, je prends généralement le train à<br />

17h10, j’arrive à 18h10 à Montereau. J’ai 20 minutes pour aller<br />

chercher Boua… Quand je suis en retard, les animateurs me le font<br />

toujours savoir… Et on pense ensuite que les Africains ne sont jamais à<br />

l’heure. <strong>Les</strong> gens ne se ren<strong>de</strong>nt pas compte !»<br />

L’arrivée <strong>de</strong> Boua en France n’a pas freiné le rythme <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> d’Ibrahim, il l’a<br />

accentué. Ses proches sont inquiets, comme en témoigne son frère Mamadou :<br />

« Comment un homme peut gérer <strong>de</strong>ux emplois Il en a un Epinay, un à<br />

Château Rouge. Il n’a plus <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> famille. Regar<strong>de</strong>, il ne peut pas aller<br />

chercher son fils à l’école, il doit l’emmener à tel horaire, le récupérer à tel<br />

horaire… Ah non, je ne vois comment un homme peut faire ça. […] Ibrahim,<br />

il se tue au travail […].» Mamadou.<br />

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