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Les bamakois diplômés de Paris

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[…] Des clients arrivent et Ibrahim me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> patienter. Je l’observe<br />

sachant qu’il se sait observé. Il fait son « job » : prend l’ordonnance, se retire<br />

dans l’arrière boutique, revient avec les médicaments, se saisit <strong>de</strong> la « carte<br />

vitale », encaisse et remercie. Un bon quart d’heure s’écoule pendant lequel il<br />

s’occupe d’autres clients et d’une livraison <strong>de</strong> médicaments. Le travail<br />

accompli, il m’invite à passer <strong>de</strong> l’autre côté du comptoir. Cela m’amuse<br />

beaucoup. Il me montre « son » bureau, le coin « café », la pièce <strong>de</strong> stockage<br />

<strong>de</strong>s médicaments, les toilettes. Je le sens maladroit, il veut me mettre à l’aise :<br />

Ibrahim : « Attends, je vais mieux te présenter le titulaire. Il a fait<br />

beaucoup pour moi, il m’a donné ma chance - Ibrahim s’adresse alors à<br />

M. Diallo - Docteur, je vous présente David, un ami, il est parti chez<br />

nous à Bamako.»<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Voilà comment j’ai été présenté au « titulaire », par ce qui, à ses yeux, peut<br />

me valoriser : mon séjour à Bamako, mon séjour chez lui. […]. Monsieur<br />

Diallo est Sénégalais d’origine, il a obtenu son doctorat <strong>de</strong> pharmacie en<br />

Italie. Ce diplôme, « européen », lui a permis, par la suite, d’ouvrir son « petit<br />

commerce » comme il dit.<br />

12h30, M. Diallo nous dit qu’il doit partir et il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Ibrahim <strong>de</strong><br />

fermer l’officine. Seuls, Ibrahim me confie, sur un ton admiratif, tout le bien<br />

qu’il pense <strong>de</strong> son employeur :<br />

Ibrahim : Ce que j’ai apprécie beaucoup chez lui, c’est qu’il me pousse<br />

à aller plus loin, à ne pas me satisfaire <strong>de</strong> ma situation. C’est pour ça<br />

que je m’investis ici. Il m’a dit : “Écoute Ibrahim, tu as un doctorat, tu<br />

ne peux pas rester préparateur toute ta vie“. Et puis par exemple, moi<br />

je suis dans le regroupement familial. Lui, il est passé par là, il sait<br />

mieux ce que je vis. C’est même lui qui m’a proposé d’alléger mes<br />

horaires quand mon fils sera là. Voilà, c’est ce qu’il m’a dit : “ tant qu’il<br />

n’est pas là, travaille au maximum… pour mettre quelque chose <strong>de</strong> côté.<br />

Mais quand il sera là, passe du temps avec lui“.»<br />

On ne peut pas douter que ma présence a eu <strong>de</strong>s effets perturbateurs sur le<br />

déroulement <strong>de</strong> cette scène. Connaissant – au moins dans les gran<strong>de</strong>s lignes –<br />

l’histoire <strong>de</strong> vie d’Ibrahim, ce <strong>de</strong>rnier a certainement cherché à accentuer <strong>de</strong>vant moi<br />

les traits conformes à l’image qu’il s’est construit <strong>de</strong> lui-même durant nos<br />

nombreuses rencontres. Toujours est-il que mon interlocuteur s’est donné à voir dans<br />

un rôle professionnel plus proche <strong>de</strong> ses dispositions et <strong>de</strong> ses aspirations sociales ;<br />

aspirations qui - je le rappelle - étaient aussi celles que sa mère nourrissait pour lui.<br />

Et c’est bien le sentiment d’« être à sa place » qui transparait dans sa façon <strong>de</strong><br />

me faire découvrir son univers professionnel : par sa maîtrise <strong>de</strong>s savoirs techniques<br />

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