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Les bamakois diplômés de Paris

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Pour s’en rendre compte, il suffit d’évoquer les difficultés rencontrées par<br />

Demba dans sa relation <strong>de</strong> couple ; au centre <strong>de</strong>s débats, le chômage et le mariage :<br />

« Ça fait quelques mois qu’on se voit. Même hier soir, elle était chez moi.<br />

Depuis qu’elle est policière maintenant, on n’arrive pas à s’entendre. Parce<br />

qu’elle croit qu’elle a tout et que moi, je n’ai rien. Bon, parce qu’elle doit se<br />

dire : “ Est-ce que ce monsieur là va pouvoir me marier “. Elle se pose la<br />

question. Même une fois, je lui ai posé la question ; “Est-ce que toi tu ne vas<br />

pas me trahir parce que tu gagnes un peu “. Elle m’a dit : “Non, je ne vais pas<br />

te trahir“. […] Mais là, aujourd’hui je vois qu’elle change d’avis. Tout ça parce<br />

que moi je ne fais rien, c’est tout simplement ça. […] Ici, tout est lié. Ici, c’est<br />

une question d’intérêts… Surtout si c’est dans le cadre du mariage. » Demba.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

Selon Demba, sa condition sociale, qu’il résume à « ne rien faire », compromet<br />

ses chances <strong>de</strong> se marier. À Bamako, <strong>de</strong> nombreux interlocuteurs masculins ont<br />

déclaré que la situation d’emploi était un élément déterminant pour accé<strong>de</strong>r aux<br />

femmes : « Si tu n’as pas <strong>de</strong> travail, tu n’as pas <strong>de</strong> considération. Si tu n’a pas <strong>de</strong><br />

travail, tu n’as pas <strong>de</strong> femme non plus. » (Bavieux) ; « un homme au chômage est<br />

renié, sans femme, sans argent et honteux » (Papou).<br />

Il ne s’agit pas ici <strong>de</strong> faire une sociologie du mariage au Mali. La question est<br />

complexe et pourrait faire l’objet d’une recherche à part entière. Cependant, il me<br />

semble nécessaire <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>ux remarques à ce propos, remarques qui vont dans le<br />

sens <strong>de</strong> l’analyse développée ici.<br />

D’abord, il est à noter que la hauteur <strong>de</strong>s redistributions intrafamiliales se fixe<br />

en fonction du statut marital du donataire. On doit être marié (et non plus<br />

célibataire) pour que les obligations <strong>de</strong> solidarité (envers les parents<br />

particulièrement) commencent à se relâcher, puis père pour que celles-ci se relâchent<br />

encore davantage. Autrement dit, la <strong>de</strong>tte intergénérationnelle, sans jamais<br />

disparaître, diminue à mesure que les responsabilités économiques et sociales<br />

augmentent :<br />

« Moi par exemple, quand je n’étais pas marié, quand j’étais célibataire là…<br />

Eh bien c’est la totalité <strong>de</strong> mon salaire que je donnais à mon père et c’est lui<br />

qui me donne quelque chose après. Maintenant que je me suis marié, j’ai la<br />

contribution. Ce sont mes enfants qui me donnent l’argent, eux, je ne les ai<br />

pas à ma charge. Ils me donnent l’argent là, après, ils s’occupent d’euxmêmes.<br />

[…] Mais <strong>de</strong> l’autre côté, j’ai cinq enfants à charge.» Toumani.<br />

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