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Les bamakois diplômés de Paris

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[Bamako, le 15.01.08] Le père <strong>de</strong> Beidi 1 est installé dans son salon. Il<br />

regar<strong>de</strong> la télévision, un film français sous-titré en français.<br />

« Ici, on ne parle que le français, le peul à l’occasion et le bambara quand on<br />

n’a pas le choix » me dit-il.<br />

« Faire sienne » la langue française, la pratiquer chez soi <strong>de</strong> manière exclusive,<br />

interdire l’usage du bambara ou du peul, en faire une règle <strong>de</strong> la maison, Beidi a<br />

appris très tôt à surveiller son langage :<br />

« Je me souviens, à la maison, on parlait souvent français. […] Je me<br />

souviens que mon père me reprenait à chaque fois que je faisais <strong>de</strong>s fautes<br />

<strong>de</strong> français ou que je ne prononçais pas bien un mot. » Beidi.<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

La position <strong>de</strong>s familles <strong>de</strong>s enquêtés vis-à-vis <strong>de</strong> la langue maternelle<br />

(majoritairement le bambara) et <strong>de</strong> la langue française n’est pas toujours aussi<br />

radicale que celle adoptée par les parents <strong>de</strong> Beidi. Mais le fait que la langue <strong>de</strong><br />

l’École soit relayée dans les familles a été décisif pour la « réussite scolaire » <strong>de</strong> mes<br />

interlocuteurs. Au sein <strong>de</strong>s domiciles familiaux, la pratique du français s’inscrit dans<br />

un environnement favorable à l’écriture ou à la lecture. Qu’il s’agisse <strong>de</strong> la famille D.,<br />

B., ou G., (trois maisons d’enfance <strong>de</strong>s enquêtés visitées à Bamako), toutes étaient en<br />

possession d’un tableau noir (<strong>de</strong>stiné à l’ai<strong>de</strong> aux <strong>de</strong>voirs), d’une bibliothèque, <strong>de</strong><br />

journaux, d’ordinateurs, d’agendas, <strong>de</strong> dictionnaires et <strong>de</strong> scrabbles 2 . Ces instruments<br />

<strong>de</strong> l’écrit font que la langue française n’a pas été une langue étrangère pour les<br />

enquêtés, mais une langue familière.<br />

Cela ne signifie pas que les enquêtés ont tous un rapport « positif » ou<br />

« équivalent » à la langue française. Pour la famille D., par exemple, il existe un écart<br />

important dans la pratique <strong>de</strong> l’écrit entre Ibrahim et son frère Mamadou. Pour<br />

Ibrahim, le recours à l’écriture est un acte <strong>de</strong> plaisir :<br />

[<strong>Paris</strong>, le 30.09.08] Installés au domicile d’Ibrahim, nous discutons<br />

brièvement du « scrabble », jeu <strong>de</strong> société rangé sous le meuble télé <strong>de</strong> mon<br />

1 J’ai rencontré Beidi à <strong>Paris</strong> en 2005. Il était alors opérateur téléphonique pour une gran<strong>de</strong> entreprise<br />

française. De retour à Bamako <strong>de</strong>puis quelques mois, il souhaite monter se propre « bôite ». « Je me<br />

suis dit que j’avais plus <strong>de</strong> chances ici avec mes diplômes français et mon expérience professionnelle<br />

en France. <strong>Les</strong> gens aiment ça. J’ai le profil […] et puis ici, j’ai mes parents, ma femme et mon fils ».<br />

Mais son projet d’entreprise n’aboutira pas et c’est en juin 2008 qu’il retourne, seul, à <strong>Paris</strong>.<br />

2 Ibrahim me confiait qu’il jouait régulièrement avec son père au scrabble : « mais attention, mon père<br />

était très fort au scrabble, il était très fort en français. » Cela signifie que certains parents ren<strong>de</strong>nt<br />

« vivants » ses « objets <strong>de</strong> langue » en accompagnant leurs enfants dans la découverte <strong>de</strong> ceux-ci.<br />

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