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Les bamakois diplômés de Paris

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tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

(nom, prénom, adresse). La prochaine opération s’effectue par téléphone : le<br />

donneur joint le receveur et lui communique le co<strong>de</strong>. Ce <strong>de</strong>rnier en prend<br />

note et se rend au point relai. Il se présente, décline son i<strong>de</strong>ntité, montre son<br />

passeport et délivre le co<strong>de</strong> obtenu par téléphone. Après vérification du<br />

registre manuscrit, le gérant remet l’argent. En ce qui concerne la somme<br />

reçue par Mamadou, elle s’élève à 200 000 FCFA (300 €). Cette somme est<br />

recomptée par le <strong>de</strong>stinataire et ce <strong>de</strong>rnier se retire.<br />

L’argent n’est pas envoyé. Il s’agit <strong>de</strong> transactions « instantanées ». Une<br />

masse monétaire est stockée (j’imagine), l’une en francs CFA pour Bamako,<br />

l’autre en euros pour <strong>Paris</strong>.<br />

D’après Mamadou, cette façon <strong>de</strong> faire, officieuse, concurrence largement<br />

celles qui sont officielles : « généralement la commission <strong>de</strong> Coulibaly va <strong>de</strong><br />

5 à 10 € maximum, bon ça dépend <strong>de</strong> la somme mais généralement c’est ça…<br />

Mais si tu vas dans les trucs officiels, là, ça varie <strong>de</strong> 15 à 20 €, tu vois »<br />

La somme perçue par Mamadou ce jour là a été divisée en trois parts : la<br />

première part, 80 000 FCFA est pour Nafi - la maîtresse <strong>de</strong> maison (somme<br />

<strong>de</strong>stinée aux frais domestiques), la secon<strong>de</strong> part est pour Mamadou (60 000<br />

FCFA) et la troisième part (60 000 FCFA) m’est <strong>de</strong>stinée afin que je puisse<br />

régler le loyer <strong>de</strong> mon appartement. Chacune <strong>de</strong> ces sommes représente le<br />

double d’un SMIG au Mali.<br />

Il aura fallu <strong>de</strong>ux semaines à la fratrie D. installée à <strong>Paris</strong> pour répondre à la<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> soutien financier <strong>de</strong> Mamadou, <strong>de</strong>ux semaines pour réunir la somme <strong>de</strong><br />

300 €. « Baromètre <strong>de</strong>s solidarités familiales 1 », la circulation d’argent dans le groupe<br />

<strong>de</strong> parenté (que ces membres rési<strong>de</strong>nt à Bamako ou à <strong>Paris</strong>) <strong>de</strong>vrait, à l’évi<strong>de</strong>nce,<br />

faire l’objet d’une étu<strong>de</strong> détaillée. Et l’observation transcrite ci-<strong>de</strong>ssus ne saurait<br />

rendre compte <strong>de</strong> la fréquence ou <strong>de</strong> la hauteur <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s financières en provenance<br />

du « premier cercle familial 2 » : les parents, le conjoint, la fratrie et les enfants. Quoi<br />

qu’il en soit, ces relations d’entrai<strong>de</strong> peuvent s’avérer essentielles pour certains<br />

enquêtés, ce dont témoigne par exemple Papus :<br />

« Ici [à <strong>Paris</strong>], j’ai rencontré beaucoup <strong>de</strong> difficultés mais j’ai jamais voulu<br />

inquiéter mes parents. Je les ai préservés. Tu vois, <strong>de</strong>s fois, il m’a manqué<br />

450 €… Moi mon père m’a dit : “si je t’ai envoyé en France c’est pour étudier,<br />

ce n’est pas pour travailler“. À chaque fois il m’appelait, il me <strong>de</strong>mandait :<br />

“ça va, tu as besoin d’argent “. Je dis “non“, parce que, même quand j’étais<br />

au pays, j’avais du mal à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’argent à mes parents. Il m’a donné<br />

1 Régis Bigot, « La force <strong>de</strong>s liens familiaux », La documentation Française, n°s 962-963, Juillet-Août<br />

2009, pp. 24-31.<br />

2<br />

Ibid., p.26. Si, dans les relations d’entrai<strong>de</strong>, le premier cercle familial est le plus souvent cité par la<br />

les enquêtés, on peut ajouter, comme partenaires financiers ponctuels, les grands parents, les oncles,<br />

les tantes et les amis.<br />

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