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Les bamakois diplômés de Paris

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D. <strong>Les</strong> grins<br />

tel-00708235, version 1 - 14 Jun 2012<br />

« Grin » ou « causerie » sont les termes employés par les Bamakois pour<br />

désigner les réunions entre amis. La causerie est une pratique généralement<br />

masculine, s’organisant autour du thé et dans la rue. Comme son nom l’indique, on y<br />

« cause », faisant <strong>de</strong> la parole la fonction première <strong>de</strong> cette pratique.<br />

À Bamako, on ne peut pas être <strong>de</strong>hors sans apercevoir, dans chaque rue, <strong>de</strong>s<br />

groupes d’homme assis à l’ombre discutant, riant, se disputant, saluant les passants, à<br />

la fois acteurs et observateurs <strong>de</strong> la rue, <strong>de</strong> leur rue. Rares ont été les jours où je n’ai<br />

pas participé aux grins, que ce soit <strong>de</strong> manière spontanée (« viens t’asseoir ! Il y a du<br />

thé ! » m’a-t-on souvent proposé lors <strong>de</strong> mes promena<strong>de</strong>s) ou habituelle (<strong>de</strong>vant mon<br />

domicile - le soir et à heure fixe 1 - ou au « grin » hebdomadaire <strong>de</strong> Lamine - cousin <strong>de</strong><br />

Mamadou et allié d’enquête).<br />

Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’enquête, cette activité a été essentielle. Premièrement, elle<br />

a été un moyen d’intégration. À ce propos, l’exemple le plus significatif a été<br />

l’initiation à la préparation du thé. Cette initiation – ou rite d’intégration - a été un<br />

moment clef qui, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s moqueries qu’ont suscité ma première tentative<br />

(absence <strong>de</strong> mousse, trop <strong>de</strong> sucre, dosage approximatif <strong>de</strong>s quantités à servir, etc.), a<br />

été perçu comme un signe <strong>de</strong> bonne volonté. Et c’est au fil du temps, par ma présence<br />

répétée et ma participation active aux grins, que les protagonistes ont pu, non pas<br />

oublier mon statut d’étranger, mais m’i<strong>de</strong>ntifier (pour le moins) comme<br />

sympathisant.<br />

Deuxièmement, au grin, le temps est rythmé par la parole. On parle pour le<br />

plaisir et pour décharger <strong>de</strong>s tensions. Il est question d’actualités, <strong>de</strong> filles,<br />

d’anecdotes, on se raconte aussi, on parle <strong>de</strong>s soucis au travail ou en famille, on<br />

cherche <strong>de</strong>s solutions, on prend du recul sur soi… Se déroulant dans la rue, le grin est,<br />

comme la discothèque ou le bar, en périphérie du travail et du foyer. En ce sens, il est<br />

assimilable aux tierces activités évoquées plus haut. Toutefois, une nuance doit être<br />

faite ou du moins une hypothèse. Si le grin est un lieu « d’entre soi » qui permet, par<br />

la parole, <strong>de</strong> se défaire <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s contraintes <strong>de</strong> la vie familiale ou professionnelle,<br />

il n’offre – me semble-t-il - qu’une autonomie relative aux participants. <strong>Les</strong> grins<br />

1 Pour se faire, j’ai acheté tout le nécessaire à thé : 2 théières, 2 verres, un plateau et un « foyer » (pour<br />

le charbon).<br />

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